Repenser la périphérie commerciale : imaginer la ville de demain
Etat, collectivités, enseignes et promoteurs au service de l’urbanisme
Appel à projet lancé en novembre 2017 par le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le chantier « repenser la périphérie commerciale » implique plus de 850 membres issus des collectivités, des enseignes (telles que Leroy Merlin, Carrefour, Casino, Conforama, Mc Donald’s, Nature et Découverte, etc.) et des partenaires publics et privés de l’aménagement commercial pour imaginer la ville de demain, et en particulier sa périphérie. Focus sur ce projet ambitieux, la manière dont les retail parks s’inscrivent dans cette démarche et comment et pourquoi ce chantier intéresse directement les enseignes de franchise.
Passer d’un développement anarchique à une organisation structurée
Pendant une trentaine d’années, les entrées de ville se sont développées de manière totalement anarchique, aboutissant à ces zones que l’on connaît encore trop aujourd’hui, à la signalétique omniprésente et sans cohérence, à l’immobilier non-entretenu, à la circulation chaotique. Et ce, notamment à cause « d'un dévoiement de la loi Royer de 1973, rappelle François Vuillet-Petite, directeur commercial de l'Immobilière Frey. Fixant à 1.000m² la limite des ouvertures sans autorisation, avec une franchise d'extension de 200m², elle conduisit à la multiplication de modules de 1.200m². » (source) Aujourd’hui, ces zones mal structurées sont devenues obsolètes, vieillissantes, conduisant à une nécessaire restructuration de ces périphéries commerciales.
De ce fait, du foncier se libère petit à petit à cause du déclin commercial, ce qui permet d’envisager, à partir de ces zones monofonctionnelles, la construction de nouveaux espaces urbains mixtes associant aussi bien logements que commerces et services publics, dans une démarche plus intégrative et performante, notamment sur le plan environnemental et humain. C’est là tout l’objet du chantier « Repenser la périphérie commerciale » lancé en novembre 2017 par le Ministère de la cohésion des territoires.
Pour autant, comme le rappelle Laurent Théry, économiste et urbaniste français en charge de l’appel à projet gouvernemental, il est indispensable de contextualiser chaque projet pour éviter une modélisation généralisante qui prétendrait être applicable à toutes les situations. Chaque périphérie commerciale doit ainsi être repensée en fonction de l’existant (centre-ville, flux, habitat, offre commerciale, projet de ville, etc.).
Penser le commerce comme un élément à part entière de la ville et des projets urbains
Pour mener à bien cette réflexion, poser les bases des périphéries commerciales de demain et partager les bonnes pratiques aux autres collectivités et promoteurs, un appel à projets a été lancé à la suite duquel 6 projets pilotes ont été sélectionnés pour proposer des exemples de périphéries commerciales innovantes, d’un nouveau genre.
- Saint-Pierre, La Réunion
- Saint-Quentin-en-Yvelines, Yvelines
- Limoges Métropole, Haute-Vienne
- Montigny-Lès-Cormeilles, Val-d’Oise
- Communauté de communes Thiers Dore et Montagne, Puy-de-Dôme
- Métropole Aix-Marseille-Provence, Bouches-du-Rhône
Pendant plusieurs mois, les porteurs de projets vont se rencontrer autour d’ateliers thématiques, avec des représentants des membres du projet « Repenser la périphérie commerciale » afin d’élaborer des outils et des bonnes pratiques.
Les retail parks : des modèles à suivre ou à bannir ?
Le fait intéressant est que ce chantier national intervient environ 20 ans après l’arrivée en France des retail parks, ces zones commerciales organisées et à ciel ouvert, de plus de 30.000m², qui ont connu, notamment depuis 2006, un essor sans précédent. A contrario des entrées de ville « classiques » telles qu’elles se sont développées depuis les années 70, ces retail parks proposent au contraire des espaces organisés, cohérents et offrant aux enseignes des surfaces commerciales importantes, avec des loyers et des charges largement inférieures à celles des centres commerciaux. Et ce, tout en conservant une excellente visibilité et une excellente accessibilité, notamment routière, en raison de leur emplacement en périphérie.
En outre, les promoteurs ne cessent d’innover pour faire de ces retail parks des espaces toujours plus attractifs : autonomie énergétique avec parkings et toits couverts de panneaux photovoltaïques, loisirs (cinémas, bowlings, arènes de réalité virtuelle, escape games, etc.), parfois même transports électriques gratuits, restauration, etc. Le tout en reproduisant de plus en plus des plans évoquant des « mini centre-ville », certains intégrant même des places avec fontaines, etc. !
Toutefois, pour l’instant, ces retail parks se développent sans véritable concertation avec les collectivités locales et les commerçants déjà implantés et sont conçues non pas pour s’inscrire dans l’urbanisme local ou le tissu économique… mais pour cannibaliser le trafic sur une partie du territoire !
Il n’est d’ailleurs pas anodin que les acteurs économiques à l’origine de ces retail parks soient désormais parties prenantes du chantier « Repenser la périphérie commerciale » mis en place par l’Etat.
Quelle place pour les franchises dans la périphérie commerciale ?
Les mutations de l’urbanisme, des zones d’activité, des centres commerciaux et des centre-ville, au cours des 20 dernières années, pose donc la question de la place des enseignes de franchise dans ce contexte. Si certaines, en effet, comme les enseignes de services à la personne, peuvent se passer d’une forte visibilité dans une zone attractive à fort trafic, d’autres, comme les enseignes de prêt-à-porter, d’ameublement, de décoration ou même de restauration, doivent impérativement s’adapter à ces mutations pour identifier les implantations les plus aptes à générer de la rentabilité pour les membres du réseau.
Ici encore, on voit que certaines de ces enseignes ont décidé de s’impliquer dans la réflexion au côté des élus, des cadres des collectivités, des urbanistes et des promoteurs afin d’élaborer la périphérie commerciale de demain en tenant compte à la fois des besoins des communes, des attentes des citoyens mais aussi des besoins commerciaux.
Ainsi, pendant des décennies, le commerce s’est développé seul, de son côté, tandis que l’urbanisme ne le prenait pas en compte, ne pensant qu’en termes de flux, d’habitat, etc. Désormais, avec ce chantier, se dessine une vision intégrative de l’urbanisme qui permettrait de réconcilier les besoins des communes et ceux du commerce, tout en offrant aux consommateurs des espaces plus pratiques, plus confortables et plus performants.