La transmission/reprise d'entreprises : parlons-en !
Une quinzaine de communication pour changer les mentalités
Alors que se déroule la quinzaine de la transmission et de la reprise d'entreprise du 14 au 27 novembre dans toute la France, nous vous proposons dans ce dossier de (re)découvrir l'essentiel à savoir sur le potentiel de la transmission/reprise.
« Sur 100.000 entreprises susceptibles d'être reprises chaque année, seules 60.000 le sont effectivement » précisait dernièrement Martine Pinville, la Secrétaire d'Etat au Commerce et à l'Artisanat à l'occasion du lancement de la vaste campagne de communication de la quinzaine de la transmission et de la reprise d'entreprises. Et « il est certain que toutes les entreprises ne se prêtent pas à la reprise, mais la marge de progression est forte » insistait Martine Pinville, d'où l'intérêt pour le Gouvernement de redoubler d'effort sur la question : « A côté de l’envie de créer une entreprise, nous devons susciter l’envie de transmettre et de reprendre ». Comment ? En faisant évoluer les mentalités ! Et Martine Pinville a dressé les grandes lignes de son « plan » qui s'appuie sur les conclusions du rapport remis par la députée Fanny Dombre-Coste en juillet 2015.
Un rapport suivi de mesures
Dans son rapport, la députée de l’Hérault a dressé 6 axes d'intervention : la sensibilisation des cédants et des repreneurs potentiels (axe 1), le ciblage précoce, bien avant la retraite, des cédants potentiels (axe 2), le développement de l’accompagnement des cédants et des repreneurs (axe 3), l’organisation de parcours de formation à la reprise (axe 4), l’aménagement et le développement d’une offre de financement nationale et locale (axe 5) et, plus généralement, la poursuite de la simplification en faveur de l’entrepreneuriat, et de la transmission/reprise en particulier (axe 6).
« 6 chantiers que nous avons suivi avec la Direction Générale des Entreprises, dans une démarche partenariale ». Depuis 2015, plusieurs mesures de simplification ont ainsi été engagées qui ont débouché sur l’adoption de mesures et initiatives concrètes et immédiates. Parmi ces mesures, certaines visent à simplifier la démarche de transmission comme par exemple la réforme concernant le crédit vendeur. Pour mémoire, le crédit vendeur doit permettre au repreneur d’échelonner dans le temps le paiement de son dû. « Or, pour le cédant, cette opération représente un effort financier important car les sommes versées ne correspondent pas aux mêmes échéances que les impôts à payer. » Depuis le 1er janvier 2016, les choses ont changé. Désormais, le cédant qui consent un crédit-vendeur peut régler l’impôt sur les plus-values de cession au rythme des paiements programmés et effectués par le repreneur, et ce, sur une durée maximale de 5 ans. « De même, nous avons rendu plus simple la vente d’un fonds de commerce ». Parmi les autres mesures concrètes, en octobre 2015, avec le Ministre de l’Economie, les préfets de Région se sont vus confier « la mise en place de réseaux à leur échelle, en lien avec les régions ; ces réseaux sont notamment chargés d’élaborer un plan de détection des cédants et un parcours d’accompagnement pour les repreneurs. 7 sont déjà constitués et les autres sont sur le point de l’être. » Malgré ces premières mesures, Martine Pinville en est bien consciente, il reste du chemin à faire : « C’est un début : d’autres mesures sont en cours d’élaboration, certaines en sont déjà au stade de l’adoption, par exemple rendre plus attractive la location-gérance de fonds de commerce, comme cela est prévu dans le projet de loi Transparence en discussion au Parlement. »
Une grande campagne de communication
Avec le soutien de quelque 30 partenaires, le Gouvernement a récemment lancé la première édition d'une vaste campagne de communication qui a atteint son point d'orgue à l'occasion de la quinzaine de la transmission et de la reprise d'entreprises jusqu'au 27 novembre prochain. « En plus d’agir sur la méconnaissance de la transmission d’entreprise qui empêche les acteurs d’anticiper la démarche, la campagne a aussi vocation à changer le regard des TPE sur la reprise, une opération souvent délaissée au profit de la création d’entreprise. » A cette occasion, plusieurs outils ont été créés parmi lesquels un kit de communication qui sera diffusé par les partenaires lors des manifestations dédiées, et un nouvel espace dédié sur le site internet de l’Agence France Entrepreneur, afetransmission.fr. Lors de la quinzaine nationale de la transmission-reprise, plus d’une centaine d’événements seront programmés partout en France, qui permettront de sensibiliser cédants et repreneurs potentiels. « Avec la campagne que nous lançons, nous souhaitons franchir une étape décisive vers la généralisation du processus de transmission et donc vers la participation du tissu économique des très petites entreprises au boom entrepreneurial français qui advient. »
La transmission/reprise d'entreprise en chiffres
Selon les chiffres du dernier baromètre BODACC (Bulletin Officiel des annonces civiles et commerciales), en 2015, 39.835 fonds ont changé de main, pour une valeur moyenne de 179.874€ (en retrait de 5,1% par rapport à 2014).
En 2015, les secteurs du Commerce et de l’Hébergement, restauration, débits de boisson (HCR) avec 16.000 reprises, représentent à eux seuls plus de la moitié (57%) des transactions.
Les prix sont en recul dans la plupart des secteurs. Ils augmentent toutefois dans quelques activités comme les travaux publics, les services informatiques, l’hébergement, ou encore les voyages.
En comparaison des valeurs 2014, les valorisations des fonds de commerce s’abaissent quelle que soit la taille de l’entreprise en 2015. Ceci étant, les prix des fonds des TPE ont davantage résisté, voire se sont même appréciés pour celles ne comptant pas de salarié. Trois régions tirent les prix au-delà de 200.000 € : Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Picardie.
Côté transmission, chaque année, parmi les 60.000 entreprises mises sur le marché, 90% comptent moins de 50 salariés.
58% des TPE/PME cédées ont plus de 20 ans. La durée moyenne d'une transmission est comprise entre 3 et 5 ans.
70% des cessions de TPE/PME en 2014 étaient motivées par le départ à la retraite de leur dirigeant.
18% des transmissions de PME/ETI s'effectuent au sein d'une même famille.
La majorité des transmissions de fonds de commerce a été réalisée en 2015 par 5 régions : la Bretagne, l'Aquitaine, Rhône-Alpes, l’Île-de-France et PACA.
Côté reprise, le délai moyen de la reprise d'une affaire oscille entre 13 à 15 mois. Selon les chefs d'entreprises, 45 ans est l'âge du repreneur idéal.
Le montant moyen au-dessous duquel est effectuée la moitié des transactions des TPE/PME est de 183.000€.
50% des repreneurs restent dans leur département.
Les idées reçues sur la reprise
Reprendre une entreprise, c'est plus risqué que de créer : FAUX. En reprenant une entreprise, un chef d'entreprise ne repart pas de zéro, il peut ainsi développer son activité en s'appuyant sur un existant qui rapporte déjà du chiffre d'affaires. A ce titre, pour le repreneur, il est souvent plus rapide de se verser une rémunération. A noter aussi, à moyen terme, le taux de pérennité des entreprises est plus élevé en cas de reprise qu'en cas de création (88% à 5 ans vs 51,5% pour la création).
Reprendre une entreprise, c'est long : FAUX. Si la recherche et le montage du projet peut prendre du temps, le repreneur dispose ensuite d'un outil directement opérationnel ! En moyenne, une reprise prend de 13 à 15 mois. L'un dans l'autre, le processus de la reprise n'est pas plus long que celui de la création.
Reprendre une entreprise, cela revient plus cher que d'en créer une : VRAI. Mais l'outil est directement opérationnel. Et si l'apport personnel nécessaire est plus conséquent, le financement est plus facile à obtenir puisque la banque peut s'appuyer sur la base d'un historique de résultats connu. De plus, en cas de faible apport personnel, plusieurs solutions s'offrent aux repreneurs (prêt d'honneur, emprunt bancaire, earn-out, crédit-vendeur, fonds d'investissement, LMBO…).
Les cédants n'ont d'intérêt que pour le prix de vente : FAUX. Plus encore que le prix de cession (15% des cédants le classe en premier critère déterminant), 85% cédants ont pour principale préoccupation de pérenniser l'activité. (Source : sondage ELABE "Les dirigeants et la cession-transmission d'entreprise" - novembre 2015). Ce souhait devient souvent une réalité d'ailleurs ! Globalement en effet, la transmission des entreprises est un facteur d'augmentation de leurs chances de survie : 50,9 % des entreprises cédées en 2005 présentaient en 2007 une rentabilité supérieure à 4 % contre 41,8 % en 2004 avant la cession. (Source : BPCE 2011)
Une entreprise à vendre est forcément une entreprise qui va mal : FAUX. La plupart des cessions n'ont rien à voir avec la mauvaise santé de l'entreprise, elles sont liées le plus souvent à un souhait de changement d'activité du dirigeant, l'envie de pérenniser la réussite d'une entreprise familiale, de préparer un départ à la retraite, etc.
L'évaluation financière d'une entreprise est juste une affaire de chiffres : FAUX. L'évaluation d'une entreprise n'est pas qu'un exercice comptable et heureusement. D'autres critères comptent tout autant que les bilans et notamment le potentiel de progression, le capital immatériel et notamment humain, les compétences des salariés, etc. Dans certains cas de transmissions de PME, ces critères représentent plus de 60% de la valorisation finale.
Les idées reçues sur la transmission
La transmission, rien ne sert de s'en préoccuper avant 60 ans : FAUX. La préparation d'une transmission demande du temps (de 3 à 5 ans). Plus le cédant anticipe sur la cession de son entreprise et plus il pourra en optimiser la valorisation. Restructuration, travaux de mise aux normes, recapitalisation... pour bien vendre, l'entreprise doit être compétitive. Le temps de la remise en ordre est propice pour bon nombre de cédants à réfléchir à ses projets.
Beaucoup de PME ne trouvent pas de repreneurs : VRAI. Mais généralement, si ces entreprises restent sans avenir, c'est en grande partie du fait du manque de préparation à la cession. Dans la très grande majorité des cas, les entreprises en bonne santé qui ont du potentiel trouvent des repreneurs, très peu restent sur le carreau.
Transmettre, ça coûte cher en impôt : FAUX. Ces dernières années, des aménagements ont été mis en place pour limiter le coût fiscal de la transmission. En préparant la cession en amont, différents dispositifs permettent d'alléger la fiscalité sur les plus-values. De plus, avec le pacte Dutreil, le régime fiscal applicable aux transmissions intrafamiliales est devenu favorable lorsqu'elles sont bien préparées.
Transmettre, c'est long et compliqué : OUI et NON. La transmission est une affaire d'anticipation. Plus les démarches sont entamées tôt et plus le passage de relais se fait sereinement. Pour aider les cédants, de nombreux acteurs institutionnels ou privés sont là pour guider dans les démarches (organisations professionnelles, experts comptables, avocats, notaires, etc.).
Le secret est le maître-mot d'une transmission réussie : FAUX. Dès lors que la décision de céder est prise, le cédant a tout intérêt à multiplier les effets d'annonce pour trouver un repreneur. De même, lorsqu'un repreneur se présente, le cédant doit jouer carte sur table dès les premiers contacts pour mieux rassurer ses interlocuteurs. Le flou et les reculades peuvent donner une mauvaise image de l'entreprise à tort.
Le cédant doit rester le seul maître à bord : VRAI et FAUX. En termes de décisions, le cédant est l'amiral, mais pour ce qui est du montage juridique, fiscal, l'évaluation comptable, etc., le cédant a tout intérêt de s'entourer de multiples compétences externes. Clairement, la préparation d'une transmission est chronophage, et le dirigeant aussi impliqué qu'il soit ne peut mener de front la gestion au quotidien de son entreprise et sa transmission. L'aide des intervenants spécialistes permet de concilier les deux casquettes !