Vous commencez à le savoir : le parcours de sélection et d’intégration d’un réseau de franchise est loin d’être un long fleuve tranquille. Après les mois passés à sélectionner, analyser, rencontrer et tester un ou plusieurs franchiseurs, il va vous falloir maintenant, avant la dernière étape, étudier le document d’information précontractuel, le DIP.
Un document obligatoire…
Cela fait maintenant un peu plus de 20 ans qu’une loi a rendu le DIP obligatoire, c’est la loi Doubin. Historiquement, cette loi a été promulguée après que de trop nombreux franchisés ont été plus ou moins franchement spoliés par des franchiseurs peu scrupuleux, ou simplement peu performants. La loi Doubin est une loi instituant la transparence, dans l’optique de protéger les franchisés en leur apportant un maximum d’informations pertinentes, avant qu’ils s’engagent. Et ce, grâce à un document, le DIP.
A savoir : la loi Doubin concerne tout contrat commercial qui prévoit une exclusivité de distribution de produits ou services sur un territoire donné en échange d’une mise à disposition de marque/enseigne. Le DIP est donc obligatoire également pour la commission-affiliation, la gérance-mandat, la concession, le commerce associé, la licence de marque.
Le franchiseur a l’obligation de vous remettre le DIP au minimum 20 jours avant la date prévue de signature du contrat de franchise. Mais dans l’idéal, il devra vous être remis bien avant ces 20 jours, afin que vous ayez le temps de l’étudier en profondeur, en étant bien accompagné.
N’hésitez donc pas à réclamer ce DIP le plus tôt possible. Si le franchiseur rechigne, négocie, fait traîner ou refuse, soyez immédiatement sur vos gardes ! Un réseau sérieux et performant n’a rien à craindre de la transparence, bien au contraire !
… et indispensable !
Le DIP dresse une sorte de bilan global visant à donner au candidat franchisé toutes les informations nécessaires à son choix éclairé. En d’autres termes, la loi Doubin a pour objectif, en imposant ce DIP, de permettre au futur franchisé de signer en toute connaissance de cause ! En cas de litige futur, il sera de ce fait possible de revenir sur le DIP.
- La justice pourra a posteriori déceler un dol, c’est-à-dire une manœuvre du franchiseur visant à tromper le candidat à la franchise ;
- Ou au contraire la justice pourra, après analyse du DIP, annoncer que le candidat bénéficiait, avant de signer, de toutes les informations nécessaires.
En outre, le DIP permet au candidat de déterminer la rentabilité de son projet !
Des éléments obligatoires
La loi Doubin impose que soient présents dans le DIP un certain nombre d’éléments considérés comme indispensables au choix éclairé du candidat à la franchise, outre bien sûr la « carte d’identité » de l’enseigne :
- Liste exhaustive des franchisés avec leur date d’intégration du réseau, de renouvellement de contrat, leur coordonnées, etc.
- Liste exhaustive des points de vente ayant quitté le réseau assortie des motifs de départ.
- Etat général du marché
- Etc.
N’hésitez pas à consulter notre fiche sur le DIP pour en savoir plus sur les éléments obligatoires.
Des éléments dont la présence est appréciable
Outre les éléments obligatoires, le franchiseur peut tout à fait intégrer dans son DIP des éléments facultatifs mais très appréciables pour les candidats à la franchise.
- L’expérience détaillée du franchiseur,
- Bilans comptables et d’exploitation des unités pilotes,
- Comptes de résultat de plusieurs franchisés du réseau,
- Historique des entrées et sorties de franchisés,
- Montant et nature des investissements à réaliser pour lancer l’exploitation,
- Etc.
Les données évoquées ici ne figurent pas nécessairement dans le DIP. Or, ces points peuvent véritablement vous aider à évaluer le réseau, sa fiabilité, sa rentabilité, etc.
A savoir : il ne faut donc surtout pas hésiter à demander au franchiseur d’ajouter ces éléments à son DIP ! Il est en droit de refuser… mais il n’y a pas forcément intérêt.
Des éléments à surveiller
Nous abordons là ce qui est le plus important dans cette étape indispensable qu’est l’étude du document d’information précontractuel. Car il est certains points que vous devez regarder avec beaucoup plus d’attention que les autres : ce sont eux qui vous permettront de ne pas faire d’erreur et de voir où vous allez.
L’historique des entrées et sorties de franchisés : le turn-over
Un turn-over important n’est jamais bon signe, que ce soit dans une entreprise ou dans un réseau de franchise. Il est le symptôme d’un malaise qui peut avoir plusieurs sources : mauvais accompagnement des franchisés par la tête de réseau, concurrence excessive, mauvais positionnement marketing, etc. A l’inverse, si le réseau témoigne d’une grande stabilité de ses franchisés, c’est le signe d’une enseigne qui va bien et où les franchisés sont heureux !
Mais au-delà du turn-over, ce qu’il faut analyser, ce sont les motifs de sortie du réseau, qui doivent obligatoirement figurer dans le DIP, avec l’historique. Ces motifs de sortie du réseau sont également le signe de la bonne ou de la mauvaise santé de l’enseigne.
La santé de l’entreprise-mère
Il est évident que la santé de l’entreprise mère est fondamentale à la santé du réseau ! C’est elle qui donne l’impulsion, qui guide l’ensemble du réseau et lui donne un indicateur sur la fiabilité du concept.
L’analyse détaillée du bilan permettra à ce niveau de déceler des non-dits, des informations cachées par le franchiseur. Par exemple, quand un bilan fait état d’une année sur l’autre de créances clients élevées, cela peut tout simplement être le signe d’une insatisfaction du réseau. En effet, à moins que les créances clients soient corrélées à un fort accroissement du nombre de franchisés la même année, ces créances sont simplement le symptôme d’une maladie plus grave : insatisfaits de leur enseigne, les franchisés rechignent massivement à payer leurs redevances !
Également, une augmentation des dettes sociales et fiscales est le signe que l’entreprise mère connaît des problèmes de trésorerie. Il conviendra, si c’est le cas, de déterminer les causes de ce problème.
Ces signes pourraient passer inaperçus auprès du néophyte qui regarderait simplement le résultat : CA, bénéfices, etc. D’où l’importance, avant de signer, de faire analyser le DIP, ou au moins certains éléments du DIP, par un expert-comptable spécialisé dans la franchise.
La présentation de l’état général du marché
C’est bien d’être séduit par un concept, mais encore faut-il que ce concept soit pertinent d’un point de vue économique et marketing ! Alors bien sûr, il vous faudra réaliser vous-même une étude de marché précise et détaillée liée notamment à l’emplacement envisagé de création de la franchise, mais la présentation générale du marché que le franchiseur doit intégrer au DIP est un point de départ indispensable. Il faut donc l’analyser en détail. Il convient en effet de vérifier :
- Que le franchiseur a réfléchi son positionnement marketing et qu’il est capable de le justifier ;
- Que la création d’une franchise dans ce réseau est pertinente et présente du potentiel.
Quels conseillers ?
Enfin, sachez qu’il est quasiment indispensable d’étudier le DIP avec un expert-comptable ET un avocat spécialisés dans la franchise pour déceler les failles, points bloquants ou erreurs.
Il est en outre indispensable que ces deux experts aient une connaissance accrue de la création/reprise en franchise. Ils doivent avoir déjà accompagné plusieurs franchisés, voire être spécialisés dans la franchise. En effet, si créer son entreprise en franchise, c’est avant tout créer son entreprise, l’analyse des éléments spécifiques préalables à la création, elle, demande une expertise particulière et une expérience ! Sans quoi cette analyse risque d’être imparfaite… et pénalisante par la suite !
Bien sûr, cette expertise a un coût, mais il vaut mieux dépenser de l’argent avant de créer sa franchise et faire les bons choix, en étant bien éclairé, qu’économiser des bouts de chandelle et faire une erreur irrécupérable !
L’avocat spécialisé
Comptez entre 500€ et 1500€ pour l’analyse du DIP par un avocat spécialisé. Il saura déceler les erreurs et les éléments manifestement manipulés pour donner une image plus vendeuse de l’enseigne et des bénéfices du franchisé. Il pourra même déceler des arnaques que le candidat à la franchise n’aurait pas su voir…
L’expert-comptable spécialisé
L’expert-comptable quant à lui pourra analyser les données comptables. Cela va de soi. Mais c’est fondamental. C’est lui qui pourra étudier, comme nous l’évoquions plus haut, les données chiffrées pour déduire l’état de santé du réseau. Il devra en outre réaliser un compte de résultat prévisionnel des 3 à 5 années à venir et comparer son propre prévisionnel aux chiffres annoncés par le franchiseur. Et bien sûr, c’est ce prévisionnel qui, en dernier lieu, permettra de déterminer la rentabilité de la franchise et qui servira d’argument au moment de la recherche de financement !
Ce qu’il faut retenir :
- Le DIP a pour fonction de vous permettre de vous lancer en toute connaissance de cause. Ne le prenez pas à la légère.
- Vous ne devez pas hésiter à demander plus d’informations. Ne vous contentez pas des informations obligatoires et des informations que le franchiseur vous livre spontanément. Si vous estimez qu’il vous manque des données, exigez-les.
- Faites-vous accompagner par un avocat et un expert-comptable tous deux spécialisés dans la franchise. Pours quelques milliers d’euros dépensés, vous en économiserez des dizaines de milliers.