Alors que le nombre de créations d’entreprises progresse chaque année en France, alors que de plus en de Français, notamment les jeunes, se tournent vers l’entrepreneuriat, alors que les mythes des grands chefs d’entreprises tels que Steve Jobs séduisent (les succès cinématographiques et de librairie en témoignent), il peut être intéressant de se pencher sur ce qu’est un entrepreneur. Quelle est la définition du concept d’entrepreneur ? Qu’est-ce que le métier d’entrepreneur ? Quid de l’entrepreneuriat social ? Quelles sont les chiffres-clés de l’entrepreneuriat en France ? Eléments de réponse.
Les pratiques associées à l’entrepreneuriat existent bien évidemment depuis des millénaires. Il est sur ce point intéressant de noter que les premières traces d’écriture alphabétique que l’on connaisse soient des tablettes… de comptabilité sumérienne ! Pourtant, le terme d’entrepreneur apparaît seulement au 16ème siècle, juste avant l’émergence des Lumières et l’acte de naissance du libéralisme.
Cependant, si le terme d’entrepreneur est assez récent, il est étonnant de voir qu’aujourd’hui encore sa définition pose question. Et c’est donc finalement avec le penseur du 18ème siècle Cantillon, auteur de l’Essai sur la nature du commerce en général, que l’on trouve une définition pertinente de ce concept pourtant largement utilisé par l’ensemble de la société. Selon Cantillon, donc, l’entrepreneur est « un agent de direction de la production et du commerce, qui supporte, seul, les risques liés aux contraintes du marché et aux fluctuations des prix ». Et c’est sans doute la meilleure définition que l’on pourrait donner de ce concept paradoxalement très flou, encore aujourd’hui, tant il recouvre de réalités diverses.
L’entrepreneur est donc d’abord compris comme « une source contributrice de richesse » pour la société… et pour lui-même. Car pour les penseurs du libéralisme économique Adam Smith et David Ricardo, la richesse pécuniaire – capitalistique pourrait-on dire, il revient à l’entrepreneur de l’accumuler. Les emplois et les ressources créées, en revanche, peuvent bien évidemment être considérées comme des richesses pour l’ensemble de la société. Chaque employé pouvant, grâce au salaire perçu, consommer, donc à son tour faire fonctionner des entreprises, qui elles-mêmes pourront créer de nouveaux emplois, etc. L’entreprise est ainsi à l’origine d’un cercle vertueux censé produire indéfiniment de la croissance et de la richesse pour tous.
Il est également un terme qui apparaît dans la définition de Cantillon est qui fait intégralement partie du concept d’entrepreneur : le risque. Car créer une entreprise, c’est déjà investir des fonds propres, toujours. Aucune banque ne financera un projet dans lequel l’entrepreneur lui-même n’investit pas. Mais être entrepreneur c’est être aussi responsable, légalement et financièrement, des actions de son entreprise. Et ce, d’autant plus que la moindre faute de gestion peut faire sauter la limitation de responsabilité afférente aux sociétés, supposées protéger l’entrepreneur.
Mais c’est aussi au quotidien de l’exploitation que l’entrepreneur est confronté au risque. Lancement d’un nouveau produit, réalisation d’un investissement, choix d’un prestataire ou d’un fournisseur, embauche d’un salarié, management d’une équipe, réalisation d’une prestation, etc. : à chaque action est associée un risque potentiel pour l’entreprise !
C’est entre autres pourquoi des chercheurs américains spécialistes de la question ont donné une définition de l’entrepreneur associée à ce que l’on appelle, le paradigme de l’opportunité. L’entrepreneur est celui qui découvre, crée ou exploite les opportunités de mettre sur le marché de nouveaux biens et services, par qui et avec quelles conséquences. Car c’est aussi cela être entrepreneur : savoir saisir et créer des opportunités, constamment, tout en pesant les risques liés à ces opportunités, pour la pérennité de l’entreprise.
Ainsi, être entrepreneur ne consiste pas à faire son métier (multiple, nous le verrons) et à attendre que les choses se passent. Être entrepreneur, c’est être constamment en mouvement, à la fois ferme sur sa vision tout en étant agile face au marché, aux clients et aux concurrents, en définitive, être acteur de son devenir.
En définitive, à la question « entrepreneur est-il un métier ? » ou « qu’est-ce que le métier d’entrepreneur ? », il est difficile de donner une seule et unique réponse. Car pour être agile, proactif et piloter son entreprise, avec une vision, vers l’avenir, il faut à la fois être gestionnaire, commercial, manager, responsable ressources humaines, responsable marketing, communicant, etc… En tout cas au début. Dans une entreprise de taille moyenne ou intermédiaire, chacun de ces postes peut, et doit, être délégué à des collaborateurs compétents. Mais au lancement de l’activité, il faut être capable, en tant que chef d’entreprise, de signer des contrats, trouver des fournisseurs, recruter des collaborateurs, manager des équipes, etc.
Et si malgré toutes ces contraintes, de plus en plus de Français choisissent de créer leur entreprise, c’est évidemment parce que la liberté, l’indépendance, la fierté de porter à bout de bras un projet et de le mener à la réussite n’ont pas de prix.
Il apparaît cependant que les définitions « classiques » de l’entrepreneur, héritées de celles de Cantillon, Adam Smith ou encore David Ricardo considèrent que l’entrepreneur a pour « mission », pour fonction sociale, et pour récompense des risques qu’il prend, d’accumuler du capital. Et si, certes, « gagner plus d’argent » est la motivation pour 30% des Français qui envisagent de créer une entreprise, d’autres visions voient le jour depuis la fin des années 80. Parmi celles-ci, le concept d’entrepreneuriat social s’est considérablement développé ces dernières années.
Car un entrepreneur « social » place avant tout l’efficacité économique au service de l’intérêt général. Il ne s’agit donc pas là d’un philanthrope pur et dur qui s’appauvrirait volontairement au profit des autres, notamment les plus démunis ou les exclus. Bien entendu. L’entrepreneur social vise dans un premier temps à vivre, correctement, de son métier. Dans un deuxième temps, il cherche à développer son activité, générer du profit, pour en faire bénéficier l’intérêt général. Développement durable, dons à des associations, embauche importante de personnes exclues du marché du travail (personnes handicapées, en réinsertion, issues des Quartiers Politique de la Ville – QPV – etc.) : de nombreuses options existent mais toutes ces entreprises partagent une conception de l’accumulation de profit comme un moyen et non comme une fin.
Ainsi, en définitive, un entrepreneur est-il avant tout, comme on le considérait déjà au 16ème siècle, « un acteur essentiel du processus économique ». Celui qui crée la richesse, l’emploi, mais aussi les innovations (technologiques, sociales, procédurales, managériales, etc.) qui permettent le progrès et ainsi de construire, potentiellement, un monde meilleur.
Alors que certains prédisent déjà la fin du salariat, les Français semblent de plus en plus attirés par l’entrepreneuriat, comme en témoignent les chiffres de la création d’entreprise, en progression constante depuis 2000 : il se créait en moyenne 2,8 fois plus d’entreprises en 2018 qu’en 2000 (et jusqu’à 12 fois plus, concernant les sociétés unipersonnelles par exemple).
En outre, d’après la dernière enquête de l’indice entrepreneurial français de 2018, réalisée par Agence France Entrepreneur, 19% des Français de plus de 18 ans souhaitent créer ou reprendre une entreprise, ce qui représente 9,5 millions de personnes !
Les freins à la création d’entreprise :
Les motivations pour devenir entrepreneur :
Les résultats de l’enquête de l’indice entrepreneurial français expliquent de manière assez claire l’engouement des Français pour la franchise ces dernières années. En effet, depuis la crise de 2007/2008, le nombre de franchisés n’a cessé d’augmenter, passant de 47 291 en 2000 à 74 102 en 2017 ! Et pour cause : la franchise permet de devenir indépendant tout en bénéficiant de la notoriété et de l’accompagnement d’un réseau, diminuant ainsi les risques inhérents à la création d’entreprise, comme en témoigne la pérennité à 5 ans des entreprises créées en franchise, largement supérieure à la moyenne nationale.