GiFi peut-il sauver Tati ?
C’est maintenant acté : Tati va poursuivre sa route sous la houlette de GiFi. L’offre de reprise du groupe Agora Distribution (Tati, Giga Store, Degrif'Mania et Fabio Lucci) par le groupe GPG (GiFi) a en effet été préférée par le tribunal de commerce de Bobigny aux deux autres offres portées par Babou et un consortium de discounters (La Foir’Fouille, Centrakor, Stokomani, Maxi Bazar et Dépôt Bingo).
L’enseigne Tati subsiste et 1428 emplois sont sauvegardés
Cette décision du tribunal marque la fin d’une longue attente pour les salariés de la marque au vichy rose. L’offre de GiFi permet la sauvegarde de 1428 emplois sur les 1700 que compte le groupe Agora Distribution. 109 des 140 magasins doivent également être conservés et un plan de sauvegarde de l’emploi est prévu pour accompagner le reclassement des personnes licenciées. Enfin, l’enseigne Tati est préservée.
Le précurseur du discount
Enseigne précurseur dans la vente d’articles textiles à prix discount, Tati voit le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale dans le quartier parisien de Barbès. Plusieurs facteurs expliquent le succès de Tati et de son fondateur, Jules Ouaki. Le premier est sans conteste les prix bas. L'idée de génie de Jules Ouaki a été d’acheter en gros et sans intermédiaire des produits hors saison. Une démarche qui lui permet de s’approvisionner à moindre coût.
Si les prix discounts font partie intégrante de l’ADN Tati, ce qui a fait d’elle une marque iconique du paysage commerçant français c’est la vente en vrac et en libre-service. Totalement innovant, cet esprit bazar, accentué par la possibilité de fouiller dans les bacs à la recherche de la bonne affaire, est plébiscité par le consommateur de l’époque.
L'enseigne connait un succès rapide et son magasin parisien prend de l’envergure, passant de 50m2 en 1948 à 2800m2 en 1978. C’est cette année que Tati amorce le déploiement de son réseau de magasins, avec l’ouverture de nouveaux points de vente à Paris mais également en province comme Lille et Marseille. Tati poursuit sa formidable apogée dans les années 1980, malgré le décès de son fondateur au début de la décennie.
La chute de l’empire
Les affaires se gâtent dans les années 1990. Alors dirigée par le fils cadet, l’entreprise va souffrir de mauvaises décisions stratégiques. Fortement fragilisée à la fin de la décennie, Tati va subir de plein fouet l’arrivée d’une nouvelle concurrence représentée par des enseignes comme H&M ou Zara pour le prêt-à-porter mais également des discounters comme GiFi ou Babou, sans parler des supermarchés. Tati n’a pas su anticiper l’arrivée de cette nouvelle concurrence ni l’évolution des tendances de consommation et de la ringardisation de cet esprit bazar qui a fait son succès. Pire, sur son piédestal, l’enseigne s’est lancé dans une périlleuse diversification d’activités et dans des investissements hasardeux.
Au bord de la faillite, placée en cessation de paiement en 2003, Tati est repris en 2004 par le groupe Eram. S’engage alors une profonde réorganisation, un relooking et une modernisation du concept. Le développement du réseau de magasins se poursuit également pour atteindre les 140 unités. Mais malgré ces efforts Tati ne parvient pas à redresser la barre contraignant le groupe Eram à se séparer de sa filiale Agora Distribution, aujourd’hui reprise par GPG, la maison mère de GiFi.
GiFi : l’ultime sauveur ?
A travers ce rachat, GiFi conforte son leardership sur le marché de l’équipement de la maison et de la personne à petit prix. Cette opération, réalisée à la barbe de ses principaux concurrents réunis en consortium, permet au groupe d’intégrer l’illustre enseigne Tati avec laquelle il partage de nombreux points communs.
Tout comme Tati, le succès de GiFi est avant celui d’une entreprise familiale créée de toutes pièces par un autodidacte. Fondé dans le Sud-Ouest de la France en 1981 par Philippe Ginestet, toujours à la tête de l’entreprise, GiFi est aujourd’hui un groupe d’envergure international, comptant quelque 450 implantations et employant quelque 6500 personnes. Philippe Ginestet a su faire évoluer son entreprise en intégrant les importantes métamorphoses du marché. Le groupe dispose notamment de filiales en Asie pour s’approvisionner directement auprès de ses fournisseurs sans intermédiaire. Surtout, GiFi a su adapter son concept aux nouvelles attentes des consommateurs, délaissant l’esprit bazar pour imaginer un concept de discount moderne.
La décision du tribunal de commerce de Bobigny est certes une bonne nouvelle pour GiFi mais elle implique également une lourde charge : celle de redresser les comptes de l’enseigne et de remettre le groupe dans une dynamique de croissance pérenne. La clairvoyance et l’énergie de Philippe Ginestet ainsi que sa connaissance pointue du marché sont certainement les meilleurs atouts pour permettre à GiFi de réussir là où Eram a échoué.