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L’unité pilote, un sérieux atout pour les réseaux de franchise

Publié le

La création d’une unité pilote, servant à tester et valider le concept développé par le franchiseur, ne fait pas partie des obligations prévues par la Loi Doubin, qui encadre le commerce associé. Faut-il pour autant en faire l’économie ? Les avocats d’affaires le déconseillent fortement. Reste qu’une unité pilote, pour jouer pleinement son rôle, doit se rapprocher au plus près des conditions d’exploitation d’un point de vente en franchise. Explications.

L’importance de l’unité pilote

Pourquoi créer une unité pilote ? Les raisons sont multiples. Pour le franchiseur, c’est d’abord une vitrine de choix pour montrer aux candidats qui viennent frapper à sa porte comment son concept fonctionne. C’est aussi l’occasion de démontrer que son modèle économique tient la route. Véritable laboratoire d’expérimentation « in vivo », l’unité pilote permet aux futurs franchisés de toucher du doigt, en conditions réelles, les points forts du concept dans lequel ils vont investir leur argent. C’est un élément concret, à partir duquel ils vont pouvoir étayer leur décision en connaissance de cause.
L’unité pilote joue également un rôle non négligeable pour le franchiseur. En particulier, dans le cas d’un conflit survenant avec un franchisé lui reprochant de ne pas l’avoir suffisamment informé lors de la signature du contrat de franchise. Dans ce cas, elle constitue un argument permettant au franchiseur de marquer des points. En effet, au-delà du devoir d’information auquel celui-ci est soumis, les juges sont très attentifs à l’existence d’un pilote au sein du réseau. Si celui-ci existe et que sa présence est clairement mentionnée dans le document d’information précontractuel (DIP), les juges en tiennent compte.
« Si la Loi ne rend pas l’unité pilote obligatoire, la jurisprudence en a fait un élément important qui le rend incontournable », confirme l’avocat Pierre-Olivier Villain, spécialiste du droit de la franchise, et membre de l’IREF, la Fédération des réseaux européens de partenariat et de franchise. La pratique montre en effet que les tribunaux se servent de l’existence – ou de l’absence – d’une unité pilote pour juger, sur le fond, de la fiabilité de l’information délivrée par les têtes de réseau à leurs candidats.

Une unité pilote se doit d’être crédible

On vient de le voir, avoir une unité pilote au sein de son réseau est fortement recommandé. D’une part pour convaincre les candidats. Mais aussi pour assurer ses arrières, en cas de conflit. Pourtant, revendiquer l’existence d’une unité pilote ne suffit pas. Encore faut-il que celle-ci fonctionne, démontre son bien fondé (croissance, rentabilité), et soit susceptible d’être dupliquée en franchise. Un simple point de vente géré en propre par le franchiseur ne suffit pas. « Ce n’est pas parce que le franchiseur a réussi à la tête de sa propre boutique, qu’il peut se targuer d’avoir une unité pilote digne de ce nom », estime Pierre-Olivier Villain.
Pour s’en prévaloir, il faut que l’unité pilote soit exploitée dans des conditions similaires à celle d’un point de vente en franchise. Et que les chiffres annoncés soient crédibles. Ce qui exige un minimum de logique comptable. En effet, si l’unité pilote ne paye ni redevance publicitaire, ni royalties au franchiseur, son bilan sera d’autant plus flatteur. Les futurs franchisés auront donc intérêt à demander des éléments comptables retraités, pour avoir une idée précise du potentiel réel du concept.
Dans certains réseaux, il arrive que l’on mette en avant une unité pilote n’ayant pas encore atteint le seuil de rentabilité. C’est souvent le cas dans les jeunes enseignes, notamment dans le domaine des services. La plupart du temps, l’argument invoqué est que le pilote ne dispose pas d’une antériorité suffisante pour être bénéficiaire. Inutile de dire que ce genre d’argument doit éveiller la prudence.
Au bout du compte, comme le résume Pierre-Olivier Villain, « l’unité pilote doit être un véritable centre d’exploitation, autonome en termes juridique, comptable, financier et humain, qui, sur le terrain, met en œuvre et garantit, dans des conditions réalistes, la viabilité dans la durée des techniques commerciales mises au point par la tête de réseau. »

Le choix de l’implantation

Ce point est important pour garantir que le concept puisse être dupliqué ailleurs avec la même réussite. Pour cela, il faut que le franchiseur soit cohérent dans le choix du lieu d’implantation. Si son unité pilote est située en centre-ville alors qu’il décline un concept taillé sur mesure pour un centre commercial ou une zone commerciale en périphérie d’agglomération, il y a un problème. Naturellement, dans le cas ou le franchiseur cible plusieurs typologies d’implantation (centre-ville, centre commercial, zone d’activité), le mieux est de pouvoir présenter aux candidats des pilotes validant chacun de ces positionnements. C’est parfois le cas, au sein de réseaux qui disposent de gros moyens. Mais la plupart du temps, les candidats à la franchise doivent se contenter d’une seule unité pilote.
Dans l’idéal, les enseignes devraient appliquer la règle des trois-deux, familière aux franchiseurs, qui veut que l’on développe trois unités pilotes, sur des implantations différentes, et qu’on les exploite 2 ans au moins, de façon à pouvoir juger de la pertinence du concept. « C’est le scénario rêvé, souligne Pierre-Olivier Villain, mais dans la réalité, on en est souvent loin ».

La vie de l’unité pilote

Si l’unité pilote a vocation à accompagner le développement du réseau en franchise, il est déconseillé de la mettre en sommeil une fois les objectifs initiaux atteints. Au contraire, mieux vaut la maintenir en activité. En effet, une fois que l’enseigne a acquis une certaine maturité, l’unité pilote peut rendre d’autres services. Elle peut notamment servir à faire évoluer le concept d’origine. C’est ce que font nombre de franchiseurs. En testant grandeur nature les nouvelles moutures de leurs concepts sur leur unité pilote, ils peuvent valider sur le terrain la pertinence de leurs choix.

Et si le franchiseur n’a pas de pilote ?

Cette situation n’est pas exceptionnelle. Elle arrive, notamment au sein des jeunes réseaux, qui souhaitent se développer rapidement, pour prendre la concurrence de vitesse, et ne peuvent prendre le temps de tester leur marché un voire deux ans, avant d’occuper le terrain en se développant en franchise. Ce qui importe dans ce cas, c’est que les choses soient claires. Pour le franchiseur, il faut impérativement jouer la transparence, en indiquant clairement et de manière formalisée qu’il ne dispose pas d’unité pilote. Cela lui évitera de se retrouver en position délicate si l’un de ses franchisés rentre en conflit avec lui, et lui reproche de ne pas avoir satisfait à son devoir d’information.
Du côté du franchisé, il faudra veiller à bien savoir où l’on met les pieds. Et soigneusement peser le risque de signer avec une enseigne qui ne dispose pas d’unité pilote. Cette situation sera d’ailleurs propice à négocier des conditions préférentielles au sein du réseau, en revoyant par exemple le droit d’entrée à la baisse. Ou de mettre en place avec le franchiseur un accord spécifique, prévoyant que les premiers franchisés du réseau feront office d’unités pilotes. En échange de contreparties, bien sûr.
Reste que l’absence d’unité pilote, si elle doit être évaluée finement, n’est pas forcément pénalisante. « Il y a beaucoup d’exemples de réseaux qui n’en disposent pas et dans lesquels les choses se passent très bien », constate Pierre-Olivier Villain. Certes, mais tous, à la base, ont clairement annoncé la couleur à leurs futurs franchisés. Qui ont assumé cette lacune en âme et conscience.

Thibault BERTRAND, Rédaction TOUTE LA FRANCHISE©

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