Commerces en gare : un secteur en ébullition
Selon une étude Cushman & Wakefield
Dans son étude dédiée publiée en juillet dernier, Cushman & Wakefield dresse le portrait d'un commerce hyper-rentable mais pas sans contraintes : le commerce en gare. Les principaux enseignements de ce panorama.
Synonyme de fort trafic, la gare est de plus en plus un lieu de commerce. Mais tous les commerces n'y trouvent pas une place de choix ! Pourquoi ? Essentiellement parce que les contraintes y sont nombreuses parmi lesquelles le peu de temps d'une clientèle pressée, le peu d'espace, le coût élevé des loyers, et l'aspect précaire des concessions. « Avec la professionnalisation du métier de la gestion des espaces commerciaux en gares, ces dernières représentent une alternative de diversification qualitative à moindre risque pour les enseignes. A l’heure où les modèles traditionnels sont remis en question, les perspectives d’implantation en gares sont intégrées de fait aux stratégies d’expansion d’un nombre croissant d’enseignes » explique Magali Marton, directrice des Études chez Cushman & Wakefield. La gare est donc bien un relais de croissance pour les enseignes « qui peuvent disposer de flux récurrents jusqu’à 5 fois supérieurs à ceux des centres commerciaux les plus performants ». Selon l'étude Cushman & Wakefield, le marché du commerce de gare se consolide d’année en année, avec une croissance de ses ventes estimée à près de 10% d’ici à 2020. Aujourd'hui, le chiffre d’affaires des commerces en gare représente un tiers des ventes réalisées en commerce de transit (aéroports, gares, autoroutes et métros).
Un marché en ébullition
Avec près de 10 gares pour 100 kms de ligne, la France compte à elle seule 3 gares enregistrant un flux de plus de 100 millions de passagers par an (Gare du Nord 207 millions, Paris Saint-Lazare 108 millions, Gare de Lyon 100 millions). Dans la plupart des gares françaises, des commerces s'installent, et les projets d'agrandissements des surfaces commerciales sont légions : « En France, près de 100 000 m² de surfaces commerciales supplémentaires sont attendus dans les 5 prochaines années, soit une augmentation du parc de commerces de plus de 100%. » Parmi les projets annoncés, l'on peut citer notamment Paris-Montparnasse qui passera de 8.000m² actuellement à 19.000m² en 2020, Paris-Austerlitz qui passera de 2.000m² à 18.000m² en 2021, Paris-Nord qui passera de 4.300m² à 30.000m² en 2024, et en province, Marseille Saint-Charles qui passera de 6.100m² à 12.500m² en 2023, Lyon-Part-Dieu qui passera de 4.100m² à 9.000m² en 2023, Bordeaux Saint-Jean qui passera de 2.500m² à 4.830m² en 2020, Nantes qui passera de 1.800m² à 3.400m² en 2020. Selon Gares & Connexions, « la réalisation de ces projets devrait contribuer à porter le chiffre d’affaires à plus de 2 milliards d’euros d’ici 5 ans pour la totalité des commerces de gare en France. »
Trois profils de clientèles
Au sein des gares, trois profils très spécifiques de clientèles se croisent aux abords des commerces :
- La clientèle dite « pendulaire » : cette clientèle est composée des personnes qui viennent en gare pour des trajets courts et récurrents à but essentiellement professionnel. Pour cette clientèle, le temps passé en gare est court. La « clientèle pendulaire s’oriente vers des achats de proximité (services, restauration à emporter) ou des achats furtifs et programmés : elle optimise ».
- La clientèle des voyageurs/touristes : cette clientèle est composée des personnes qui viennent en gare pour des trajets de plus grande distance et moins récurrents réalisés par une clientèle soit professionnelle soit touristique. Ce type de clientèle dispose de temps d’attente plus longs. Avec des budgets plus conséquents, ils « consomment en restauration assise, équipement de la personne, culture/loisirs, etc. ainsi qu’en achats liés au trajet et achats d’impulsion. »
- La clientèle des non voyageurs : cette clientèle externe représente entre 10% et 30% des flux en fonction de la typologie des gares. Hétérogène, cette clientèle oscille entre des achats courants et des achats programmés, comme dans un centre-commercial.
Selon le type de gares, la clientèle majoritaire sera plutôt pendulaire ou voyageuse. Ce qui fera la différence pour les enseignes en fonction des gares est le temps dont les consommateurs disposent. « Le merchandising des gares s’adapte à la typologie des voyageurs et au temps de présence de chaque passager en transit. Contrairement aux centres commerciaux, l’objectif des commerces en gare n’est pas d’attirer et maintenir le client sur place, mais d’optimiser le temps de présence d’une clientèle déjà captive et le transformer en chiffre d‘affaires. »
Quelles sont les activités commerciales dans les gares ?
Selon le type de gares et de clientèles, le merchandising sera différent bien sûr. Ainsi, dans les gares où les flux de transit sont élevés, le secteur food & beverage (alimentation + restauration) est largement majoritaire (37% du total des magasins, 32% des surfaces commerciales des gares). « Cette sur-représentativité de l’offre dans ce secteur peut s’expliquer par la typologie de la clientèle (voyageurs à horaires variables) ainsi que la forte proportion d’unités alimentaires (vente à emporter, hors restauration), faciles à exploiter sur de petites surfaces. »
Hors food & beverage, les gares accueillent également des enseignes du secteur de l’équipement de la personne, mais le format en petites boutiques limite les grandes enseignes de mode par exemple qui ont besoin de plus de place. Idem pour l’offre en équipement de la maison, qui « à l’exception de la décoration, est pour l’instant assez faible car il s’agit d’un secteur grand consommateur de m² (bricolage, meubles), encore peu adapté à ce format. »
Les services comme la téléphonie, le pressing, la coiffure, les banques, etc, sont également bien représentés puisqu'ils répondent plus spécifiquement aux besoins de la clientèle pendulaire dont le temps est compté.
Cette répartition est en mouvement selon les constats de Cushman & Wakefield. « Avec la disparition des frontières entre le commerce physique et le commerce en ligne, les gares incarnent des lieux de consommation où toutes les formes de distribution sont envisageables. De la boutique de presse des débuts, à la galerie au merchandising structuré et équilibré, en passant par le food-court et la présence de casiers de retrait, certaines gares à flux denses se rapprochent par leur offre du format Centre commercial ».
Des chiffres d'affaires alléchants
« Bénéficiant d’une densité de flux très élevée, les commerces des gares réalisent des performances au m² qui dépassent largement celles relevées dans les centres commerciaux pour la même typologie d’activité » rappelle l'étude Cushman & Wakefield. « Les boutiques des gares, en moyenne plus petites qu’en centre commercial peuvent générer des chiffres d’affaires au m² de 50% à 80% plus élevés ». Bien sûr, les performances dépendent des niveaux de flux, de la typologie de l'emplacement, mais aussi de l'activité.
Selon l'étude, les rendements les plus élevés concernent la vente à emporter « avec des ratios pouvant excéder 50 000€/m² ». Ces activités génèrent entre 24% et 27% de la totalité du chiffre d’affaires des commerces de gare.
Viennent ensuite les secteurs d’activité santé/beauté et culture/cadeaux/loisirs, qui oscillent autour des 20 000 €/m², « soit le double de la moyenne relevée dans les centres commerciaux ». Ces activités génèrent entre 19% et 26% de la totalité du chiffre d'affaires des commerces de gare.
Le secteur de l’équipement de la maison, « encore peu représenté dans les gares à l’exception de boutiques de décoration, représente quant à lui moins de 8% de la totalité des ventes effectuées dans les gares. »
En termes de croissance, il y a de la marge ! Avec seulement 33% des voyageurs fréquentant les boutiques dans les meilleures gares de France, le taux de captation en gare est largement perfectible. « Le taux de transformation est quant à lui assez proche des centres commerciaux, de l’ordre de 67%. »
En termes de panier moyen, à Paris, il se situe autour des 19€, et en province, autour des 7€. « Dans les gares, le panier moyen peut atteindre 25€ en équipement de la personne (mode, accessoires et cosmétiques), alors qu’il est inférieur à 10€ pour les achats liés aux trajets (presse, alimentation). »
Des loyers très élevés
Si les chiffres d'affaires générés dans les gares sont alléchants, la rentabilité est toutefois modérée par les montants élevés des loyers réclamés. Et comme de plus, « le loyer étant en partie conditionné par les chiffres d’affaires », les prix grimpent automatiquement à des sommets ! « Pour des activités identiques, les loyers en gare sont, dans tous les cas, plus élevés qu’en centre commercial où nous observons des écarts moyens pouvant aller de 50% à 100% sur les loyers prime (hors VAE) ». Le taux d’effort moyen oscille dans une fourchette entre 15% et 20% tous types d’activités confondues. Malgré les montants élevés des loyers, le taux de vacance reste bas.
Des concepts à adapter
Avec une surface moyenne des unités en gare d'environ 140 m² (soit environ 50% de celle des centres commerciaux), des contrats de location notablement plus précaires, et loyers élevés, les contraintes pour les enseignes classiques s'accumulent. Et tout cela est bien sûr sans compter les spécificités d'approvisionnement et le temps nécessairement réduit dont disposent les voyageurs. Face à toutes ces contraintes, la plupart des enseignes doivent faire évoluer leurs concepts, voire même pour certains créer de toutes pièces une nouvelle marque à l'image de Monop Station. Parmi les enjeux que les enseignes ont à relever, l'on peut citer :
- l'adaptation de l'offre aux typologies de clientèles en terme de taille, d'agencement, de signalétique, de sélection de produits, d'approvisionnement, etc.
- l'adaptation des process de ventes et des formations des vendeurs pour accélérer les passages en caisse et le traitement des réclamations ;
- l'adaptation de l'approche marketing notamment en terme de communication (boutiques éphémères, vente omnicanale, etc).