Focus : le marché de l'optique-lunetterie
Le marché de l'optique-lunetterie ne connait pas la crise...
En croissance régulière depuis 50 ans, le marché de l'optique-lunetterie ne connait pas la crise, mais tout n'est pourtant pas tout rose au pays des lunettes ! En effet, le rythme des installations de nouvelles boutiques spécialisées a connu une forte accélération depuis quelques années. Les réseaux de franchise, les coopératives, les mutuelles ont en effet permis de mettre les bouchées doubles et aujourd'hui, le développement est proche de la saturation. Face à cette pléthore de nouveaux points de vente, la concurrence devient de plus en plus féroce. Un autre danger guette les opticiens : le net ! Enquête.
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Un marché en révolution
Le marché de l'optique-lunetterie est en pleine explosion ! Deux facteurs expliquent globalement cette bonne santé. Le premier tient au vieillissement de la population. Selon les dernières estimations de l'Insee publiées en octobre 2010, la France métropolitaine comptera 73,6 millions d’habitants au 1er janvier 2060, soit 11,8 millions de plus qu’en 2007. Le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera, à lui seul, de plus de 10 millions. En 2060, une personne sur trois aura ainsi plus de 60 ans. Cette modification de la pyramide des âges porte globalement à l'expansion des besoins. Après 50 ans, la vue devient l'un des postes de santé pour lequel les Français n'hésitent pas à la dépense.
En parallèle de ce phénomène démographique mécanique, l'autre critère d'essor tient à un changement de mentalité. En effet, les avancées technologiques récentes ont bouleversé le rapport que les Français entretiennent avec leurs lunettes. De disgracieuses il y a quelques années, les lunettes d'aujourd'hui sont tendance ! L'amincissement des verres y est pour beaucoup mais aussi la multiplication des offres « mode » des montures de vue ou solaires. A l'image d'Adriana Karembeu ou de Laetitia Hallyday, deux égéries de choc de marques connues, les lunettes ne se cachent plus. Elles deviennent un accessoire de mode à part entière dont on peut personnaliser la couleur en quelques minutes !
En progression constante, le marché n'est pourtant pas au top de sa forme comme il le devrait logiquement. En effet, compte tenu de la multiplication du nombre de porteurs de lunettes, le marché devrait être encore plus porteur... Comme le note GfK France, 2009 reste dans la même lignée que 2008 : le nombre d’achat de verres de correction a ainsi affiché une grande stabilité par rapport à l’année précédente (+0, 3 %). Les verres ont représenté à eux-seuls plus de la moitié du CA du secteur (52,1%) à 2,7 milliards d’euros. Le reste du CA a été réalisé en 2009 à hauteur de 25% par les montures, suivies pour 9% par les solaires, 6,6% par les lentilles, et 1,7% par les produits d'entretien.
Autre source, autre son de cloche. Selon une étude du cabinet Xerfi, la demande faiblit. « La dégradation de l’activité se poursuivra et s’amplifiera en 2010 avec un chiffre d’affaires en repli de 2% » selon Xerfi. Si ce pronostic devait se confirmer, ce serait bien là une première pour ce secteur dont les courbes de progression ne cessent d'être orientées à la hausse depuis 50 ans ! Malheureusement, la baisse du pouvoir d'achat des ménages est sérieuse. L'optique-lunetterie va donc devoir s'adapter rapidement surtout devant la montée en puissance des vendeurs de lunettes sur internet... !
Selon les chiffres GfK-France, entre 2008 et 2009, le prix moyen des montures a augmenté de 3€ (6€ pour les solaires) pour une moyenne de 135 € par achat. En comptant les verres, le prix moyen d’une paire de lunettes s'établit à 278 euros pour les unifocaux, 589 euros pour les progressifs.
Trop de magasins d'optique-lunetterie
Si GfK-France et Xerfi interprètent les chiffres à disposition de manière plus ou moins optimiste, les deux cabinets se rejoignent sur un point : le secteur compte trop de magasins pour que chacun puisse vivre décemment ! Pour Xerfi, il faudrait une contraction de 2% du parc de magasins pour que le chiffre d’affaires par point de vente parvienne à se stabiliser.... Mais nous sommes loin du compte ! La France est en effet passé d'un total de 7 800 points de vente en 2000 à plus de 10 500 en 2009 ! Une véritable explosion qui frise la saturation dans certaines villes !
Du coup, comme le souligne l'étude GfK France publiée en mars dernier, le chiffre d’affaires moyen par magasin reste en berne. Cette situation qui a débuté il y a 5 ans s'est encore accélérée depuis. En 2009, ce chiffre moyen est descendu en dessous de la barre symbolique des 500 000 euros (498 000 euros pour être précis), soit une diminution de 0,8 %. Autre information importante à noter : la part des points de vente qui ont opté pour un positionnement low-cost / discounters a beaucoup progressé en peu de temps, passant de 2,7% en 2007 à 4,3% fin 2009.
5 groupes leaders en concurrence
Le marché de l'optique-lunetterie est dominé par une quinzaine d'enseignes en franchise ou en groupement coopératif. A elles-seules, ces enseignes détenues par 5 groupes leaders (Guildinvest, Gadol-Optic 2000, Alain Afflelou, GrandVision et Les Opticiens Mutualistes) concentraient à la fin 2008 près de 60% des points de vente, le reste étant détenu par des opticiens indépendants.
Guildinvest : Ce groupement est leader en part de marché et en puissance d'achat (27% en optique et 20% en audio). Il fonctionne essentiellement en coopérative et comprend les enseignes Krys (Krys Lunettes), Vision+, Vision Originale, Lynx Optique et Lun's. Depuis la fin 2003 et le rachat du réseau Lynx optique, le groupe se développe aussi en franchise. La dernière née des enseignes du groupe est Lun's, un réseau d'opticiens low-cost.
Gadol-Optic 2000 : Le Groupe Optic 2000 est une coopérative. Il est composé de 4 enseignes (Optic 2000, Optic 2000 Suisse, Audio 2000 et Lissac Enseigne). En 2008, Optic 2000 a réalisé un chiffre d’affaires HT de 236 millions d’euros. Avec plus de 14 % de part de marché, l’enseigne est le leader de l’optique en France.
Alain Afflelou : Le groupe Alain Afflelou est un réseau de franchise repère et très médiatique. Il comptait fin décembre 2009 un total de 657 magasins en France générant 581,58 millions d'euros de CA TTC. L'enseigne est internationale (984 magasins dans le monde dont 249 en Espagne).
GrandVision : GrandVision est l’un des plus grands groupes européens spécialistes de l’optique de détail. Il intervient sur le marché international par le biais de plusieurs enseignes, avec des concepts complémentaires et innovants. Il est implanté dans 19 pays dont la France, l’Espagne, la Belgique , la Grande-Bretagne et l'Italie. Aujourd’hui, le réseau GrandVision compte 1.380 magasins pour un chiffre d’affaire 2009 de 1062 millions d’euros. En France plus spécifiquement, GrandVision est présent avec trois enseignes: Générale d'Optique (377 magasins en juillet 2010), GrandOptical (204 magasins en juillet 2010), Solaris (99 magasins en juillet 2010). Le développement est réalisé selon les enseignes via des succursales, des franchises ou en joint ventures.
Les Opticiens Mutualistes : Le réseau Les Opticiens Mutualistes, l'enseigne optique de la Mutualité Française, compte près de 700 magasins en France.
Atol : L’enseigne ATOL possède plus de 700 magasins sur l'ensemble du territoire français. Elle se développe selon le modèle de la coopérative dans lequel chaque opticien à un statut de commerçant indépendant.
Selon les chiffres publiés dans le Hors Série Bien Vu « L’observatoire de l’optique 2008 », en 2007, les indépendants ont généré 1 643 M€ de CA TTC (29,87% de part de marché), Optic 2000 810 M€ (14,72% de part de marché), Krys 632 M€ (11,49% de part de marché), Alain Afflelou 555 M€ (10,09% de part de marché), Les opticiens mutualistes 495 M€ (9% de part de marché), Atol 306 M€ (5,56% de part de marché), GrandOptical 264 M€ (4,80% de part de marché), Générale d'Optique 256 M€ (4,65% de part de marché), Optical Center 187 M€ (3,40% de part de marché).
L'optique-lunetterie à l'heure du low-cost et de l'internet
Si la crise n'a que peu impacté le marché de l'optique-lunetterie, il n'empêche qu'en cette période de baisse sévère du pouvoir d'achat, le prix est plus que jamais un argument de poids pour les consommateurs. En effet, de plus en plus de porteurs de lunettes au budget serré renoncent aux soins faute d'argent. Mal remboursées, les lunettes deviennent un luxe si l'on ne souscrit pas en parallèle à une bonne mutuelle...
Face à la demande de lunettes à petit prix, les grands groupes ont commencé à réfléchir. Ainsi, après le groupe Afflelou qui dans les années 1970 mettait le feu aux poudres avec son slogan « La moitié de votre monture à l’œil », le premier à se lancer réellement dans le bataille du low-cost a été le groupe Grandvision avec le concept Générale d'Optique. Sous un slogan on ne peut plus clair « la fin des lunettes chères », cette enseigne créée en 1993 et lancée en franchise en 2002 a rapidement trouvé un écho favorable au sein de la population des porteurs de lunettes. Fin 2006, un nouvel intervenant est venu bousculer encore le secteur, le hollandais Hans Anders. Avec son slogan « 70% moins cher que les autres », le concept a rapidement fait mouche.
Aujourd'hui, la chaîne Hans Anders possède plus de 50 magasins en France, essentiellement dans le Nord. En 2010, l'ouverture d'une vingtaine de nouveaux points de vente est en prévision. Face à cette subite montée en puissance du low-cost, les grands groupes ont du adapter leurs stratégies. Les offres à prix cassé se sont généralisées dans les boutiques sous enseigne. Et en 2007, Guildinvest, le propriétaire de Krys, répliquait plus clairement encore en procédant au lancement de Lun’s eyewear, une enseigne low-cost à l'avenir tout tracé...
Mais cela était sans compter internet ! Direct-optic, Happyview... les sites low-cost commencent à fleurir sur la toile depuis 2008 ! Malgré les actions de lobbying entreprises par les grands groupes argumentant que la loi française interdit la vente à distance de produits de santé, le flou juridique demeure. Sommée fin 2008 par Bruxelles de modifier sa réglementation, la France a fait savoir pendant l'été 2009, par sa ministre de la santé, Roselyne Bachelot que la vente de lunettes en ligne était licite du moment que le site employait un opticien diplômé...
Cette annonce a jeté un froid chez les grands groupes puisque, par ricochet, les deux principaux sites montés par des ex opticiens de grands groupes peuvent maintenant être agréés par la Sécurité sociale. Un coup dur pour la profession puisque qui dit agrément dit garantie de remboursement des prestations !
Dominique, Journaliste toute-la-franchise©