Comptes prévisionnels : franchisés et franchiseurs doivent rester vigilants
Avant de se lancer avec une franchise, ou avant de reprendre un point de vente déjà existant, les franchisés peuvent se reposer sur des comptes prévisionnels.
Avant de se lancer avec une franchise, ou avant de reprendre un point de vente déjà existant, les franchisés peuvent se reposer sur des comptes prévisionnels. Bien que non-obligatoires, ces comptes sont parfois transmis par les franchiseurs, et peuvent peser dans la décision du franchisé de s’engager ou non. Attention à leur rédaction, et aux chiffres avancés, car des projections irréalistes peuvent mener à des procédures judiciaires, et à la nullité du contrat. Explications.
Les comptes prévisionnels et leur intérêt pour les franchisés / franchiseurs
Le compte de résultat prévisionnel permet d'établir une estimation, à l’avance, du résultat net annuel d’une activité, sur une période donnée. Comment cette estimation est-elle réalisée ? En tenant compte des charges fixes et variables, et en projetant des recettes (produits d’exploitation, produits financiers, produits exceptionnels). Les comptes prévisionnels s’avèrent indispensables pour lancer une activité et donner un cap à toute nouvelle entreprise qui se créée. Ils peuvent aussi être utiles pour des candidats à la franchise qui veulent ouvrir un point de vente ou créer une activité via une enseigne. Parce que les comptes prévisionnels sont une « anticipation » de l’activité à venir, ils permettent aux nouveaux franchisés ou repreneurs d’une franchise déjà en place d’avoir une meilleure vision des résultats à attendre.
Et les franchisés et les franchiseurs ont à gagner à échanger ce document :
- Le futur franchisé y puise des informations claires pour établir ses propres prévisions, et dresser son business plan. Il peut s’agir d’un élément capital pour l’aider dans ses échanges avec les établissements bancaires pour les rassurer sur le potentiel de son projet ;
- Le franchiseur peut utiliser les comptes prévisionnels comme argument de vente. En effet, avec des charges et des recettes clairement listées en colonne, les comptes prévisionnels sont très concrets et peuvent aider à la décision.
Les comptes prévisionnels constituent un excellent outil d’aide à la décision pour le futur franchiseur, ou un candidat pour une transmission ? Oui, mais attention au formalisme et au contenu de ces documents. Dans le cadre de la franchise, il n’existe aucune obligation de transmission de comptes prévisionnels. Toutefois, de nombreux franchiseurs choisissent d’en communiquer, pour les raisons que nous venons d’évoquer.
Les comptes prévisionnels doivent être bien encadrés
Pas question de rédiger à la hâte des comptes prévisionnels avec des chiffres « rapidement » combinés dans un tableur ! Plusieurs règles doivent encadrer sur le fond et sur la forme cette communication :
- Le franchiseur doit communiquer des informations sincères et vérifiables. Pas de chiffres trop ambitieux ou de projections irréalistes. Pour ne pas avoir de problèmes, et montrer votre sérieux, justifiez les chiffres avancés ;
- A défaut de comptes prévisionnels, utilisez le cadre du document d’information pré contractuelle (DIP). Ce document obligatoire doit contenir et la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne. Vous pouvez ici y insérer un volet prévisionnel, en plus du compte d’exploitation.
Si vous êtes franchiseur, et que vous ne savez pas comment trancher sur cette question des comptes prévisionnels, ne perdez pas de vue que c’est au franchisé, commerçant indépendant, d’établir ses propres prévisionnels. Evidemment, c’est au regard des éléments que vous allez transmettre que cette projection sera possible, mais vous n’avez pas à coucher obligatoirement noir sur blanc des chiffres de prévision. Car si ces derniers sont mensongers et « grossis » de manière abusive, alors vous vous exposez à des poursuites.
Des comptes prévisionnels irréalistes peuvent mener à l’annulation du contrat
L’arrêt du 7 octobre 2015 de la cour d’appel de Paris (RG n°13/09827) le réaffirme, les écarts entre comptes prévisionnels et résultats effectifs ne signifient pas qu’un mensonge a volontairement été réalisé par le franchiseur. « L’existence d’un écart entre les prévisions fournies à titre indicatif et les résultats effectifs de l’exploitation ne constitue pas en tant que tel la preuve de l’insincérité ou de l’irréalisme manifeste des dites prévisions, le franchisé comme tout professionnel du commerce se devant d’apprécier la valeur et la faisabilité des promesses de rentabilité qui lui sont faites dans la mesure où celles-ci ne comportent de la part du promettant aucune obligation de résultat ».
Il est toutefois noté que lorsque un écart très important entre prévisionnel et résultat réel est constaté, de l’ordre de 40%, alors le caractère sincère des comptes prévisionnels peut être remis en question. Le franchisé pourra totalement faire savoir son mécontentement, et même s’il souhaite porter l’affaire en justice pour demander réparation, en prouvant le manque de sincérité et de fondement des chiffres avancés. Un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier va dans ce sens : « en fournissant à la société (franchisée) un prévisionnel exagérément optimiste et irréaliste, (le franchiseur) l’a trompée sur un élément déterminant dans le calcul des risques qu’elle prenait ». Ainsi, « le consentement de la société (franchisée) a donc été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’entreprise. Il convient par conséquent de prononcer l’annulation du contrat de franchise (…), en application de l’article 1110 du code civil ».
Les comptes prévisionnels ne sont pas un engagement contractuel
Il faut toutefois bien garder à l’esprit que les comptes prévisionnels fournis par le franchiseur n’ont pas valeur d’engagement contractuel ! Ils ne garantissent en rien d’un résultat futur, mais sont uniquement là à titre d’information pour établir une projection. C’est pourquoi, en cas de litige, le franchiseur pourra avancer plusieurs arguments qui justifient un écart entre prévision et résultat réalisé :
- La mauvaise gestion individuelle du franchisé a conduit, notamment, à des performances commerciales en deçà de celles escomptées ;
- Les forces de vente n’ont pas été assez efficaces dans leur mission ;
- Le concept n’a pas été scrupuleusement appliqué, selon les recommandations du franchiseur, ce qui peut expliquer des performances moins bonnes ;
- La politique de prix recommandée par la tête du réseau n’a pas été mise en application ;
- Un ou plusieurs concurrents se sont installés à proximité, faussant les prévisions établies sans ce paramètre ;
- Des travaux à proximité du point de vente, ou un changement en matière d’urbanisme (suppression de parking, de trottoirs) ont changé les conditions d’exploitation, et influé sur les performances.
Les comptes prévisionnels donnés par le franchiseur sont de plus bien souvent établis à partir d’un « magasin type ». Un magasin qui présente certaines caractéristiques types sert de base pour proposer des chiffres d’achat, de charges, de recettes, etc. Des ratios de CA / m² ou de bénéfices annuels peuvent être communiqués, mais il convient de systématiquement les remettre dans leur contexte. La jurisprudence va même bien plus loin et affirme le devoir de se renseigner qui incombe à un franchisé. Celui-ci, disposant des coordonnées des autres membres du réseau, doit mener sa propre enquête et vérifier les chiffres avancés par l’enseigne.