Entreprise en liquidation : reprendre une entreprise en liquidation judiciaire
Un pari risqué ? Pas toujours !
La reprise d'une entreprise en liquidation judiciaire peut être un bon plan dès lors que le prix de cession est attractif et surtout que les causes des difficultés sont identifiées et maîtrisées. Sinon, gare aux déconvenues !
Il existe de nombreuses causes menant une entreprise à une liquidation judiciaire. Décès ou maladie du gérant, mauvaise gestion, succession d'impayés, croissance trop rapide associée à un défaut de trésorerie, mauvais investissement, innovation insuffisante face à une concurrence agressive... la liste est longue. Et si la liquidation judiciaire marque le point final d'une entreprise pour défaut de paiement et impossibilité de se rétablir, cela ne veut pas forcément dire que l'entreprise liquidée n'était pas rentable !
Un bel emplacement, des équipements de qualité, un personnel qualifié, un vrai savoir-faire original, une activité à diversifier ou au contraire à recentrer... Une entreprise en liquidation peut parfaitement s'avérer être un bon plan dès lors qu'elle porte en elle des atouts intrinsèques bien identifiés et des faiblesses « surmontables ».
Entreprise en liquidation, de quoi parle-t-on ?
La liquidation d'une entreprise marque le point final d'un long processus. Elle concerne « toute personne physique ou morale exerçant une activité commerciale, artisanale, professionnelle et indépendante, ou agricole, en état de cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. »
La mise en liquidation de l'entreprise vise à optimiser les conditions de cession des actifs de l'entreprise et de règlement de ses créanciers. En clair, l'entreprise qui se retrouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible à l'aide de son actif disponible est déclarée en cessation de paiement. Quand son redressement est manifestement impossible, la procédure de liquidation vient clore l'activité selon un dispositif juridique spécifique qui encadre :
- l'organisation de l'entreprise (dessaisissement des dirigeants au profit du liquidateur) ;
- l'existence de l'entreprise notamment vis-à-vis de son exploitation (cessation ou poursuite provisoire de l'activité de l'entreprise) ;
- la réalisation des opérations de cession des actifs de l'entreprise (vente totale ou partielle dans le cadre d'un plan de cession).
La procédure de mise en liquidation judiciaire d'une entreprise peut être initiée :
- soit par l'entrepreneur lui-même au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements
- soit par un créancier de l'entreprise sur assignation
- soit par une saisie d'office du tribunal
- soit encore par une saisie du tribunal sur requête du ministère public.
La clôture de la liquidation intervient à une date fixée par le tribunal. Si elle ne peut être prononcée au terme de ce délai, le tribunal peut proroger sa durée par une décision motivée.
Dès lors que l'entreprise est placée en liquidation judiciaire, les cartes sont dans les mains du liquidateur qui est habilité à vendre, sous le contrôle d'un juge-commissaire, les biens de l'entreprise soit de gré à gré soit par le biais d'enchères publiques dans les conditions prévues par les dispositions du Code de commerce.
Selon les cas, la vente peut concerner l'entreprise dans sa globalité ou quelques actifs seulement.
Dans le cas d'une reprise de l'intégralité de l'entreprise, le repreneur achète l'entreprise avec son passif (dettes fiscales et sociales, créances, emprunts...) et son actif. Dans ce cas, le repreneur doit être extrêmement vigilant. Il doit réaliser un audit pour évaluer l'étendue exacte du passif de l'entreprise. Généralement, une clause de garantie de passif figure dans le contrat de cession pour éviter les mauvaises surprises.
Dans le cas d'une reprise de l'actif, le repreneur rachète uniquement les moyens de production, le fonds de commerce, le matériel, les murs et les stocks. Il ne récupère pas les créances, les dettes fiscales et sociales ou les emprunts du cédant.
Généralement, le liquidateur privilégie les offres de rachat de la globalité de l'entreprise afin que cette dernière puisse poursuivre son activité (plan de cession globale ou partielle de l'entreprise). Dans ce cas, la reprise doit assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, tout ou partie des emplois qui y sont attachés ainsi que l'apurement du passif. Le plan de cession est arrêté par le tribunal. L'offre retenue est celle qui présente les meilleures garanties d'exécution.
Reprendre une entreprise en liquidation, avantages et inconvénients
Le principal avantage à reprendre une entreprise en liquidation c'est bien évidemment le prix de cession de ladite entreprise. Avec une trésorerie à zéro, des dettes fournisseurs plus ou moins importantes, des arriérés de cotisations sociales, des clients absents, etc, l'entreprise ne vaut que par son savoir-faire, ses équipements, ses produits, ses machines et son emplacement. Tous ces éléments ont un prix bien sûr, mais ce prix est largement moindre que dans le cas d'une entreprise à l'équilibre ou en progression.
Au négatif, reprendre une entreprise en liquidation implique :
Une prise de décision rapide
La mise en liquidation judiciaire d'une entreprise suit une procédure réglementée. Le délai accordé par le liquidateur pour recevoir les offres de reprise est court (deux mois le plus souvent). Le repreneur doit dès lors être très réactif puisqu'il n'a que peu de temps pour réaliser l'audit de l'entreprise et bâtir son projet de redressement viable et rentable.
Des difficultés à emprunter
Face à une entreprise en difficulté, les banques sont bien évidemment très frileuses. Le repreneur doit de ce fait avoir suffisamment de cash pour acheter l'entreprise et la remettre sur pied. Des aides sont toutefois possibles pour donner un coup de pouce à la reprise d'entreprises en difficulté.
Du personnel à séduire
Souvent dans le cadre d'une reprise d'entreprise en difficulté, une nécessaire restructuration du personnel est nécessaire. Et si les licenciements peuvent être évités, il n'empêche que l'arrivée d'un nouveau « patron » à la tête de l'entreprise est source d'inquiétude pour le personnel. Celui-ci devra s'adapter aux nouvelles méthodes de gestion, et l'adaptation se fait rarement sans heurts !
Des fournisseurs et des clients à reconquérir
Le changement de direction suite à une liquidation judiciaire est un challenge. Fournisseurs et clients ont été échaudés. Le repreneur doit impérativement rassurer ses partenaires pour espérer poursuivre et relancer l'activité.
Reprendre une entreprise en liquidation, j'y vais ou j'y vais pas ?
Reprendre une entreprise en liquidation est une opération risquée par nature. En effet, le repreneur ne peut en aucun cas bénéficier des garanties prévues dans le cadre d'une reprise classique. Il ne peut également pas formuler de recours contre le cédant après coup. La vente se fait donc aux risques et périls du repreneur, sans filet. Ceci étant, et le risque faisant partie du jeu, le repreneur peut aussi faire une très belle affaire dès lors qu'il sait où il met les pieds et que son projet est bien ficelé.
Pour cela le repreneur doit être vigilant ! Il doit vérifier tous les éléments fournis et mener en parallèle une enquête approfondie sur l'entreprise et ses dirigeants pour savoir pourquoi elle en est arrivée là. Pour ce faire, le repreneur ne doit pas hésiter à se faire aider de spécialistes (comptable, avocat, etc).
Avant de bâtir son projet de reprise, il doit impérativement rencontrer le ou les dirigeant(s) ainsi que les employés, les fournisseurs, les clients, etc. L'objectif de toutes ces démarches préalables est de définir si l'entreprise est "redressable". Créations de nouveaux produits, réorganisation marketing, publicité, changement de gammes... Le repreneur doit avoir une idée précise des leviers qu'il devra actionner pour redonner de la rentabilité à l'affaire. Ceci vaut pour la cession de l'intégralité d'une entreprise.
Pour la cession de tout ou partie des actifs, la logique est souvent différente puisque, en effet, l'entreprise est dissoute ou démantelée et ne repart pas du tout sur les mêmes bases. Le repreneur peut, de ce fait, racheter du matériel, une licence (restauration, taxi, etc), des stocks, ou encore l'exploitation d'un emplacement n°1 avec une autre enseigne sans avoir à s'occuper de redresser l'entreprise démantelée. Dans ce cas, le repreneur est plus dans une logique de création d'entreprise.
Comme on le voit, la préparation de la reprise est donc clairement au cœur de la problématique. Et cela est d'autant plus délicat que cette préparation est par nature « à temps compté » et compliquée par la situation d'urgence que traverse l'entreprise, et la complexité de la procédure judiciaire.