Hard-discount : la fin d'un modèle ?
Phénomène majeur des années 2000, le Hard-discount accuse aujourd'hui une vraie baisse de forme selon les résultats de l'étude Hard Discount Kantar Worldpanel 2011 publiés en mai dernier.
En mai dernier, Kantar Worldpanel publiait les résultats de son étude de référence sur le Hard Discount. Et comme on le savait déjà plus ou moins précisément depuis quelques mois, le modèle du Hard-Discount en France a du plomb dans l'aile. « Avec 13,6% de part de marché valeur, le Hard Discount est loin du dynamisme de 2008-2009 où il atteignait presque 15% de Pdm à une période où l’inflation poussait les shoppers vers les magasins à bas prix avec l’espoir de maitriser leurs dépenses. »
Comment expliquer cette perte de vitesse subite depuis 2 ans ? En fait, selon Kantar-Wordlpanel, plusieurs raisons viennent expliquer le désamour des Français pour le modèle Hard-Discount qui continue pourtant de faire un tabac en Allemagne...
Retour sur l'histoire du Hard-Discount
Phénomène incontournable des années 2000, le développement à marche forcée des Hard-Discounters dans le secteur alimentaire a fait l'effet d'une bombe dans le commerce français. Portée aux nues par les consommateurs, le Hard-Discount s'imposait alors comme le modèle à suivre, une sorte de nouvel El-Dorado !
Les deux principaux arguments de ces nouveaux commerçants étaient la proximité et les prix. A contre-courant de « l'effet centrifuge » des grandes enseignes d'hyper et super-marchés qui préféraient des grandes surfaces en périphérie, le Hard-Discount misait sur des surfaces de plus petit calibre en centre-ville ou au cœur des quartiers.
Plus proches et à visage plus humain, le Hard-Discount séduisait aussi par ses prix canons sur un assortiment de produits maison, en marque distributeur. L'essentiel à petit prix, à côté de chez soi. Depuis 2005 toutefois, le modèle si bien huilé se grippe doucement, mais sûrement. Malgré ce début de déclin, de nombreux nouveaux points de vente ont ouvert un peu partout en France. Cette multiplication des surfaces de vente a, pendant un temps du moins, contribué à masquer le recul du modèle.
Mais en 2009, il a bien fallu se rendre à l'évidence : le Hard-Discount commençait à perdre du terrain en affichant 14,1% de parts de marché en valeur contre 14,3% en 2008 ! Très curieusement c'est donc au plus fort de la crise que le Hard-Disount a commencer de perdre des points alors qu'à l'évidence, on aurait pu penser que la crise aurait plutôt du avoir l'effet inverse... Et en 2010, le déclin s'est confirmé puisque selon les derniers chiffres publiés par Kantar-Panel, le Hard-Discount perd encore du terrain avec 13,6% de parts de marché en valeur.
La faute à la LME...
Comment expliquer qu'en à peine 10 ans, le modèle que l'on présentait déjà comme l'avenir du commerce passe de l'expansion au retrait ? En fait, selon toutes vraisemblances, plusieurs facteurs concourent à ce déclin parmi lesquels, la LME !
Pourquoi la LME ? En fait, la Loi de Modernisation de l'Economie votée en 2008 par le gouvernement pour stimuler la concurrence a laissé les coudées franches aux Hypers et aux Supers. Désormais plus libre de s'installer sur des surfaces allant jusqu'à 1000 m2 sans demande d'autorisation préalable, la grande distribution traditionnelle a repris d'assaut les centre-villes et les cœurs de quartiers.
Les nouveaux concepts de proximité des grands ténors de la grande distribution se sont multipliés : « A 2 pas » d'Auchan, U Express, Carrefour City... L'autre effet de la LME associée à la Loi Chatel a été de supprimer les marges arrières des distributeurs classiques. Cette suppression a rapidement fait naitre une bataille rangée sur les prix, le deuxième argument distinctif du Hard-Discount avec la proximité.... Les marques distributeurs des grandes enseignes GMS se sont alors peu à peu ré-appropriées le mot discount.
Les consommateurs qui s'étaient jusqu'alors laisser convaincre par les bas prix du Hard-Discount sont revenus aux Hypers et Supers classiques puisqu'ils proposaient eux-aussi désormais des prix Hard-Discount...
Du Hard-Discount au Soft-Discount
Si bon nombre de consommateurs habitués à faire leurs courses en Hard-Discount se sont tournés vers la grande distribution classique (268 000 ménages de moins en 2010, 500 000 en 2 ans selon l'étude Kantar-Panel), cela tient principalement au fait que la grande distribution classique est devenue bien plus agressive sur le terrain des prix.
Selon Kantar-Panel, E-Leclerc a lui seul avec ses campagnes de publicité choc sur les prix (site internet quiestlemoinscher et campagnes coups de poing en magasin contre les hard-discounter) pèse pour 50% des pertes de clientèles du Hard Discount. Et les autres grands distributeurs que sont notamment Carrefour, Auchan, et Système U ne s'en laissent pas compter ! Eux-aussi ont mis un vrai coup d'accélérateur sur leurs marques distributeurs discount ! En réaction, les grandes enseignes du Hard-Discount ont du revoir leurs copies.
Beaucoup ont décidé d'ajouter dans leurs rayons un quota de marques nationales pour aller chasser sur les terres des grandes surfaces classiques. Cette stratégie a jeté le trouble sur les esprits des consommateurs. Du discount dans les Hypers et Supers et des marques nationales dans les Hard-Discount... les codes se sont trouvés subitement brouillés ! Le Soft Discount étant devenu la règle pour tous, pour le consommateur, c'est blanc bonnet et bonnet blanc !
La fin d'un modèle ?
Quand outre-Rhin, le Hard-Disount à l'allemande qui a choisit de camper sur ses positions de prix imbattables en réduisant ses coûts au maximum poursuit son expansion, en France, la convergence des modèles a sourit globalement aux enseignes classiques, tandis que « l'embourgeoisement » du Hard-Discount avec des marques nationales lui fait perdre son principal signe distinctif : le prix.
Mais comme le souligne l'étude Kantar-Panel Hard-Discount 2011 : « Malgré toutes ces difficultés il serait hâtif d’enterrer le HD, ce circuit pèse dans le paysage de la distribution en France avec un parc de + de 4700 unités, 70% de pénétration, 23 paniers par an (stable depuis 3 ans) et 1 article sur 5 acheté en France. » Kantar-Panel insiste aussi sur le fait que le Hard-Discount bénéficie toujours d’un socle de clientèle solide, « 16,9 millions de ménages français font des courses régulièrement dans une enseigne de HD et ils y consacrent 22% de leur budget annuel PGC FLS. » Tous ces chiffres montrent que le Hard-Discount est loin de dire son dernier mot en France...
Il n'empêche que certaines enseignes sont plus à la peine que d'autres : « Il y a clairement une hétérogénéité des performances des enseignes de HD: Dia et Le Mutant perdent de la PDM alors que Lidl, Aldi et Leader Price sont stables. » Est-ce un hasard si les enseignes stables sont aussi les plus agressives en terme de prix ? Certes non !
Quand les Allemands Lidl et Aldi continuent de séduire les consommateurs en France, Dia qui alignait les succès sous l'enseigne Ed, accuse depuis son embourgeoisement orchestré par sa maison mère Carrefour une nette baisse de régime. Et du coup, Dia se voit désormais sorti du giron de Carrefour ! Chez Le Mutant aussi, dans le même temps, les grandes manœuvres se confirment : fermetures de magasins, restructuration du concept, mais aussi ouverture des rayons des 200 magasins à une sélection de marques nationales...
Chez Netto, l'enseigne Hard-Discount des Mousquetaires, l'année dernière a été marquée par un doublement en rayon du nombre de références en s'appuyant là aussi sur l'ajout de marques nationales. Tous ces éléments font penser que le Hard-Discount de demain sera sans doute à deux vitesses : l'un plus Soft-Discount que Hard-Discount et l'autre Hard-Discount pur et dur, à l'allemande.
La mutation ne fait que commencer !
Dominique André-Chaigneau, Rédaction TOUTE LA FRANCHISE©