Marché de l'optique : l'UFC tire à boulets rouges sur les marges des opticiens
Une étude qui n'y va pas par quatre chemins...
Dans une enquête publiée dans le numéro de mai de Que choisir, l'Union Française des Consommateurs (UFC) a jeté un pavé dans la mare du secteur de l'optique en pointant du doigt, les « marges exorbitantes » des opticiens mais aussi la sous-productivité des boutiques souvent en réseaux.
Dans le cadre de la réflexion gouvernementale sur la régulation du prix des lunettes, l’UFC-Que Choisir a rendu publique le 23 avril dernier, une étude exclusive sur les dessous du marché de l'optique. |
Des frais de distribution hors normes et des marges exorbitantes
L'étude de l'UFC met en évidence la dérive d'un système tout entier. Ainsi, selon l'UFC, le principal souci de cette filière tient au poids des frais de distribution, qui représentent 70 % du prix de vente hors taxes. Comment expliquer ce chiffre ? Selon l'UFC, cela tient essentiellement à la sous-productivité du réseau, résultat de « l’augmentation exponentielle du nombre de points de vente (+ 47 % depuis 2000), décorrélée de la croissance des besoins de la population (+ 13 % sur la même période) ».
Ainsi, chaque magasin ne vend « que 2,8 paires de lunettes par jour ouvré en moyenne, sur lesquelles l’ensemble des coûts fixes du magasin sont répercutés ». Au final, c'est le consommateur qui fait les frais de ce dysfonctionnement : « cette multiplication injustifiée génère un surcoût de 510 millions d’euros par an pour les consommateurs, soit 54 € par paire vendue. » Plus de frais par produit vendu signifie clairement que pour vivre, chaque opticien doit faire exploser ses marges. Un phénomène pernicieux qui amène à des aberrations comme l'atteste l'UFC : « Un équipement est vendu en moyenne 393 € HT (soit 470 € TTC), 3,3 fois son prix d’achat par l’opticien (118 € seulement) ! Il dégage donc une marge brute de 275 €, soit un taux de marge de 233 %. Sur les verres, la marge brute moyenne atteint même 317 % ! »Tout bonnement exorbitantes et insoutenables pour les consommateurs français qui se retrouvent avoir « lunettes » le plus lourd d’Europe (50 % plus élevé que la moyenne).
Les dérives marketing pointées du doigt
Selon l'UFC, « le niveau de marge excessif des distributeurs sert à couvrir des frais fixes trop élevés et des dépenses de marketing inconsidérées. » En effet, pour l'association de consommateurs, le deuxième facteur d’inflation des lunettes en France tient aux dépenses somptuaires du secteur pour ses opérations marketing : « celles-ci atteignent 580 millions d’euros par an, soit 60 € par paire vendue. Dans ce cadre, il convient de dénoncer la pratique des « secondes paires gratuites ». Distribuées dans une vente sur trois aujourd’hui, celles-ci n’ont d’offertes que le nom, puisqu’elles plombent in fine la facture de tous les consommateurs de 120 millions d’euros par an ! » Sur les presque 13 millions de paires distribuées chaque année, seules 10 millions de paires, répondent véritablement à un besoin médical direct.
En effet, comme le souligne l'UFC, « depuis près de quinze ans, les pratiques commerciales « offrant » au consommateur une deuxième paire de lunettes à l’achat d’un équipement complet se sont multipliées. Au point que l’on estime aujourd’hui qu’environ un tiers des achats donne lieu à une seconde paire « offerte » (hors lunettes vendues aux bénéficiaires de la CMU-C, à tarifs fixés par la puissance publique, et qui ne sont pas couvertes par ces offres commerciales), soit 2,6 millions de paires par an. » Compte tenu du prix unitaire élevé, et des volumes de vente importants, le budget total en lunettes des Français a atteint 4,67 milliards d’euros en 2012 (1,38 milliard pour les montures et 3,29 milliards pour les verres).
En moyenne, une paire de lunettes équipée de verres progressifs coûte deux fois plus cher qu’une paire montée avec des verres unifocaux (589 € contre 290 €). La monture, d’un prix TTC moyen de 136 €, constitue in fine une part limitée du coût de l’équipement. Les verres, quant à eux, atteignent 154 € la paire en unifocal, et 453 € pour des verres progressifs. Au-delà du type de verres, le prix pour le consommateur dépend également des différents « traitements » effectués sur le verre, pour l’amincir, le rendre plus résistant, ou moins sensible aux rayures.
Le marché de l'optique en chiffres
En 2012, les Français ont acheté environ 12,65 millions de paires de lunettes pour 33 millions de porteurs de lunettes. Les consommateurs conservent leur équipement 3 ans et 4 mois en moyenne. Si les achats de lunettes représentent une dépense de 4,7 milliards d’euros, le marché de l’optique est plus large : il contient également le solaire, les lentilles et les produits d’entretien, et a atteint 5,7 milliards d’euros en 2012. Ces produits sont distribués par plus de 11 400 magasins d’optique en 2012.
Sur ce total plus de la moitié (55 %) sont sous enseignes :Parmi celles-ci, deux acteurs se démarquent : le Groupe Optic 2000 (Optic 2000, Lissac) avec 1 600 points de vente, soit 14 % des magasins français, et Krys Group (Krys, Vision Plus, Lynx Optique, Opticiens Lun’s) avec 12 % du parc de magasins (1 346 boutiques). Quatre autres groupements détiennent chacun autour de 6 % du marché en termes de points de vente : Atol, Afflelou, les Opticiens mutualistes et GrandVision France (GrandOptical et Générale d’Optique).
Selon l'UFC, en 2000, la France comptait 7 773 magasins d’optique. En 2012, ce sont 11 422 points de vente qui couvraient le territoire français, soit 3 650 magasins de plus en 12 ans, une hausse de 47 %. Globalement, le marché de l’optique ayant progressé moins vite que le nombre de points de vente, le chiffre d’affaires moyen par magasin a baissé sensiblement ces dernières années : celui-ci a diminué de 6,6 % entre 2005 et 2012, pour s’élever alors à 507 000 € par an (contre 543 000 € en 2005).
La densité de magasins d’optique, rapportée à la population, est extrêmement variable. La moyenne nationale est de 1,78 magasin pour 10 000 habitants. Selon les départements, elle varie de 1,14 magasin pour 10 000 habitants (en Seine-Saint-Denis) à 3,34 magasins (à Paris), soit un écart considérable de 1 à 2,928.
Dominique André-Chaigneau, Toute La Franchise©