Clauses de quotas de chiffre d'affaires : erreur substantielle sur la rentabilité ? (CA Montpellier, 10 mars 2015, RG n°13/06718)
L’avocat Jean-Baptiste Gouache revient sur un récent arrêt de la cour d’appel de Montpellier.
1. Un franchisé sollicite la nullité de son contrat de franchise estimant que son consentement a été vicié en raison de la stipulation, dans son contrat de franchise, de quotas de chiffres d'affaires exagérément optimistes l'ayant induit en erreur sur la rentabilité de la franchise.
La Cour considère que le fait que le franchisé n'ait pas atteint ces quotas ne saurait caractériser une tromperie délibéré du franchiseur sur la rentabilité de l'activité et l'espérance de gain dans la mesure où :
- « le franchiseur n'a pas fourni de comptes prévisionnels d'activité, ce qui lui est d'ailleurs pas imposé par l'article L.330-3 du code de commerce »,
- « en sa qualité de commerçant indépendant, il appartenait, le cas échéant [au franchisé] de faire procéder à un compte d'exploitation prévisionnel en fonction de la situation existant avant la conclusion du contrat de franchise, en tenant compte des quotas fixés par le franchiseur ».
Il convient de préciser que dans cette espèce, le franchiseur ne démontrait pas avoir remis le document d'information précontractuelle. La Cour d'appel de Montpellier a cependant considéré que l'inexécution de l'obligation d'information précontractuelle n'avait pas pu avoir pour effet de vicier le consentement du franchisé dans la mesure où la dirigeante connaissait parfaitement l'activité concernée car elle avait travaillé auparavant au sein d'une autre agence dont le dirigeant était l'associé et le co-gérant du franchiseur et avait exercé des fonctions de directeur de production chargé d'animer le réseau des franchisés spécialisés dans le courtage en crédits immobiliers.
2. Cet arrêt doit être rapproché de celui rendu le 20 mars 2014 par la Cour d'appel de Rouen.
Dans cette espèce, la Cour a, a contrario, estimé que :
- pour tenter d'apprécier la rentabilité de sa future entreprise, le partenaire avait pu légitimement, à défaut de communication du document d'information précontractuelle et compte tenu du fait qu'il ne disposait d'aucune marge d'action sur les prix de ses ventes, se référer à la stipulation contractuelle lui fixant comme objectif de chiffre d'affaires,
- en raison de l'importance attachée à cet objectif, à savoir, le fait que le contrat prévoyait la possibilité pour le concédant de résilier le contrat en cas de non atteinte de l'objectif, le partenaire était en droit de penser que la conclusion de son contrat était susceptible de lui apporter ledit chiffre d'affaires.
La Cour d'appel de Rouen a donc considéré que la possibilité pour le partenaire de réaliser cet objectif constituait un élément essentiel de son engagement et que le consentement du partenaire avait été déterminé par une erreur sur l'élément substantiel de son engagement que constitue pour lui la rentabilité de sa future entreprise (CA Rouen, 20/03/14, n° 13/02536)
Les juges font donc preuve de plus de sévérité dans l'appréciation du vice du consentement lorsque le franchisé disposait déjà d'une expérience dans son secteur d'activité, le vice s'appréciant in concreto. Il convient donc de stipuler des quotas raisonnables et de rédiger ces clauses de quotas de manière appropriée pour éviter qu'elles ne conduisent au constat d'un vice du consentement du franchisé.
Jean-Baptiste Gouache
Avocat – Associé (Gouache Avocats)
Membre du collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise