Master franchise : quelles clauses prévoir dans le contrat ?
Le cabinet Gouache Avocats liste les points à ne pas omettre dans la rédaction d’un contrat de master franchise.
Le recours à un contrat de master franchise dans le cadre d’un développement international implique l’intégration de clauses spécifiques, par rapport à un contrat de franchise utilisé dans un contexte national.
Le contrat de master franchise est mis en place dans le cadre du développement international d’un franchiseur. Dans ce schéma, ce dernier va donner le droit à un partenaire, le master franchisé, de développer un réseau de franchisés dans un territoire donné. Il l’autorise à conclure des contrats de franchise avec les franchisés qu’il va recruter. Le master franchisé endosse donc un double rôle : il est à la fois franchisé du master franchiseur et le franchiseur des franchisés qu’il recrute sur le territoire concédé.
L’avantage de cette solution est notamment de faire développer le réseau par un tiers dans un pays donné. Le franchiseur réduit ainsi les investissements nécessaires, et peut par ailleurs s’appuyer sur quelqu’un qui connait bien le marché local.
Quelles clauses spécifiques doivent être insérées dans un contrat de master franchise ? Bien qu’il soit habituel d’utiliser comme base de rédaction le contrat de franchise type de l’enseigne, il convient d’effectuer des adaptations. Pour tenir compte de deux aspects : le caractère international de l’opération d’une part, et l’organisation des droits et obligations spécifiques au rôle de master d’autre part.
Sur le rôle de master, voici les principaux aspects qui nécessitent une attention particulière et l’introduction de clauses adaptées, au-delà de la question de la rémunération due par le master franchisé (paiement d’un droit d’entrée au démarrage et/ou à chaque ouverture, montant et détermination de la redevance etc.).
L’exclusivité et le développement du réseau de franchisés
Aspect essentiel du contrat, ces deux questions sont liées : il n’est pas envisageable de concéder une exclusivité sur un territoire, lequel peut être vaste, sans demander en contrepartie des engagements clairs et précis en termes de développement. L’étendue de l’exclusivité concédée par le master franchiseur doit être adaptée aux capacités du master franchisé et aux spécificités du marché local. La zone d’exclusivité peut être un pays, plusieurs pays ou au contraire simplement d’une région.
Les parties au contrat doivent discuter précisément du plan de développement afin qu’il soit accepté et adapté tant aux ambitions du franchiseur qu’aux moyens du master franchisé. Ce plan de développement peut-être plus ou moins détaillé. Par exemple, il peut simplement prévoir un nombre d’ouverture par an, ou au contraire détailler pour chaque année des localisations ou types d’implantation. Dans tous les cas, il est nécessaire de préciser le nombre total de points de vente devant être opérationnels à la fin de chaque période. Le contrat devra également préciser si un pilote doit être exploité avant le développement en franchise par le master, et s’il pourra lui-même ouvrir d’autres points de vente ou s’il ne pourra recourir qu’à des franchisés. Il conviendra également de prévoir les moyens que le master franchisé s’engage à mobiliser pour assurer le développement de l’enseigne.
En général, les plans de développement ne dépassent pas une période de cinq ans, compte tenu des difficultés inhérentes à ce type d’exercice. Cependant, il est usuel que les contrats de master franchise soient conclus pour des périodes plus longues. On peut prévoir le principe de la discussion d’un nouveau plan au terme du premier. A minima, il convient de prévoir que le nombre de points de vente ouverts au terme de la période initiale de développement constituera un minimum pour les années suivantes.
Des pénalités, perte de l’exclusivité ou résiliation du contrat, par exemple, doivent être prévues comme les conséquences d’un non-respect du plan de développement.
Il conviendra également d’anticiper la question du développement du site Internet pour le territoire. Dans quel délai devra-t-il être en ligne ? A qui incombera la charge de ce développement ainsi que de l’animation quotidienne de ce site ? Dans ce cadre, le franchiseur devra s’assurer de conserver a minima la maitrise des noms de domaine qui utiliseraient ou comporteraient sa marque.
Le rôle du master franchisé dans la distribution des produits devra être envisagé, pour préciser s’il agira comme centrale d’achat ou comme centrale de référencement auprès de ses franchisés, qui achèteront directement au franchiseur.
Le contrat de master franchise devra également organiser les modalités de conclusion des contrats de franchise par le master franchisé, en prévoyant une procédure d’approbation de chaque contrat de franchise par le franchiseur. Ils devront a minima être conclus sur la base d’un modèle approuvé par le franchiseur. En général, le franchiseur remet au master franchisé le modèle de contrat de franchise qu’il utilise dans son pays d’origine. Le master franchisé se charge de l’adapter au droit local. Toutefois, le franchiseur devra valider ces adaptations, pour s’assurer que le master franchisé disposera des outils juridiques nécessaires en vue de maintenir la cohérence de l’image de la marque et d’assurer le respect du savoir-faire. Par ailleurs, le contrat pourra prévoir que le master franchisé fournira au franchiseur une « legal opinion » d’un conseil local visant à confirmer la pleine validité et l’efficacité du contrat de franchise, au regard des règles du droit local.
Enfin, le contrat de franchise pourra être adapté concernant les modalités d’animation du réseau. Par exemple, même si le master franchisé a la charge de l’animation du réseau qu’il aura développé, le contrat pourra organiser la participation du master franchisé et des franchisés à des réunions avec l’ensemble des franchisés, ou certaines d’entre elles. Le franchiseur pourra se réserver la possibilité de visiter des franchisés ou de participer aux réunions du réseau développé par le master franchisé.
L’adaptation du concept, du savoir-faire et des modalités de sa mise à disposition
Il faudra sans doute adapter le concept tel qu’il est exploité dans le pays d’origine du franchiseur pour l’exploiter dans un autre pays. A minima, lorsqu’il ne s’agira pas d’un pays francophone, des traductions devront être prévues : tant des supports internes à la franchise (par exemple : manuel opératoire, reporting, supports de formation, logiciel) que des supports de communication vers les clients (ex : site internet, catalogues, flyers, publicités). Il est donc nécessaire de prévoir qui prendra en charge ces traductions et leurs coûts. Dans l’hypothèse où elles ne seraient pas réalisées par le franchiseur, il conviendra tout de même qu’il puisse les valider avant toute utilisation.
Outre ces questions de traduction, le concept, comme le savoir-faire peuvent devoir être adaptés au marché local, du fait des habitudes des consommateurs, de l’économie du pays, de l’offre concurrente existante, de la règlementation ou encore la culture locale. Ces adaptations peuvent porter sur des codes couleurs, des slogans, le positionnement de l’enseigne, le conditionnement des produits ou encore sur certains aspects spécifiques du savoir-faire (par exemple, la composition de l’assortiment type ou les modalités de présentation des produits en magasins).
Le contrat de master franchise devra donc organiser les modalités de cette adaptation. Ainsi, les parties pourront prévoir une période de test préalable, ou organiser des points réguliers au cours du contrat. Le master franchisé doit jouer un rôle actif dans ce cadre : c’est notamment pour sa connaissance du marché qu’il aura été choisi. Toutefois, le franchiseur doit garder seul la maitrise de son concept et de son savoir-faire et de leurs évolutions : aucune adaptation ne saurait donc être mise en œuvre sans avoir été validée préalablement par le franchiseur.
L’adaptation des modalités de formation devra également être prévue au contrat de master franchise : faut-il former le master franchisé uniquement sur le savoir-faire ou également sur son rôle de franchiseur ? Par la suite, comment sera organisée la formation des franchisés ? On envisage rarement une formation systématique des franchisés par le franchiseur, compte tenu des questions de langue, de distance et de coût. Lorsque la formation est assurée par le master franchisé, elle doit suivre les plans de formation communiqués. Le franchiseur doit pouvoir le cas échéant s’assurer de la manière dont elle sera délivrée.
La protection de la marque
Bien évidemment, le franchiseur aura pris soin, avant de conclure un contrat de master franchise, de faire en sorte que sa marque soit bien enregistrée pour les territoires objets du contrat. Le contrat de master franchise devra en revanche préciser qui aura la charge de défendre la marque sur le territoire concerné, par exemple pour agir contre des actes de contrefaçon. Dans l’hypothèse où le franchiseur souhaite se réserver ces actions, il devra être informé des comportements contrefacteurs et devra engager des procédures devant des tribunaux et dans des systèmes juridiques qu’il ne maitrise sans doute pas. Confier ce rôle au master franchisé peut être préférable, puisqu’il est sur place et plus familier de la procédure locale. Il pourra cependant être utile de prévoir qu’il se concerte avec le franchiseur avant toute action en justice et que le franchiseur soit informé des procédures engagées, voire puisse à nouveau reprendre l’initiative procédurale en cas de manque de diligence du master franchisé.
La durée et la cessation du contrat
En général, les contrats de master franchise ont une durée plus longue que des contrats de franchise directe. En effet, ils doivent conférer des droits au master franchisé pour une durée lui permettant, le cas échéant après avoir expérimenté et adapté le savoir-faire au sein d’un établissement pilote, de développer un réseau de franchisés. Il doit disposer de droits sur la marque et le savoir-faire pour une durée couvrant au moins celle des premiers contrats de franchise qu’il signera.
Le contrat doit envisager toutes les conséquences de la cessation des effets du contrat, qui constituent un enjeu crucial : que deviennent les contrats de franchise conclus par le master franchisé au terme du contrat ? Le franchiseur souhaitera que le réseau développé par le master franchisé reste sous son enseigne. Ce dernier ne sera plus en mesure de mettre à disposition la marque et le savoir-faire objets des contrats qu’il aura conclu. Sa responsabilité pourrait alors être engagée par les franchisés. Les deux parties au contrat de master franchise auront donc intérêt à prévoir les modalités de transfert des contrats de franchise conclus au profit du franchiseur, ou de toute personne qu’il désignera. Le franchiseur pourra ainsi faire reprendre le réseau par un nouveau master franchisé le cas échéant.
Dès le départ, le contrat de master franchise devra organiser les modalités de ce transfert des contrats de franchise signés par le master franchisé et les franchisés devront l’avoir spécifiquement autorisée dans les contrats qu’ils auront signé. La question des établissements exploités directement pas le master franchisé devra également être traitée. Ils pourront en effet constituer les « flagships » de la marque dans le pays. Si le master franchisé les exploite directement, et non pas par le biais de filiales dédiées, ces établissements ne feront pas l’objet de contrats de franchise et il sera nécessaire d’organiser des promesses de cession, en utilisant des mécanismes juridiques existants localement.
Le master franchisé peut avoir créé une société dédiée au développement du réseau du franchiseur et conclure une promesse de vente des parts au profit du franchiseur au terme du contrat de master franchise. Le franchiseur court alors le risque de devoir racheter une société fortement endettée s’il souhaite conserver le réseau.
Sur les aspects internationaux, plusieurs points spécifiques devront être abordés.
Evidemment, il conviendra de traiter la question du droit applicable et des juridictions compétentes, ou du recours à l’arbitrage. Quand bien même le droit français serait le droit applicable, il est toujours indispensable de s’assurer que le contrat ne comporte pas de stipulations qui pourraient être contraires à l’ordre public du territoire dans lequel le contrat sera exécuté. On s’assure ainsi d’une part de la possibilité de faire exécuter le contrat le cas échéant, mais plus généralement, on vérifie qu’il ne comporte pas de stipulations dont la mise en œuvre serait impossible localement ou pourraient faire l’objet de sanctions par des autorités locales à l’encontre de l’une ou l’autre des parties. Par exemple, cela peut porter sur des exigences spécifiques en matière d’information précontractuelle (ex : Belgique) ou sur des aspects qui ne sont pas spécifiques à la franchise, comme le droit de la concurrence, la règlementation des changes, la règlementation sur les données personnelles ou des dispositions légales sectorielles spécifiques au secteur d’activité concerné.
L’exécution du contrat de master franchise induisant nécessairement des flux transfrontaliers, le contrat doit comporter des clauses adaptées. Le franchiseur et le master franchisé ou les franchisés, peuvent ainsi réaliser des ventes de marchandises. Des conditions générales de vente devront être prévues pour régir ces contrats de vente de marchandise, mais le contrat de master franchise pourra comporter des dispositions minimales. Il devra prévoir en particulier qui sera en charge des formalités douanières. Il pourra également prévoir un incoterm applicable à défaut d’autre accord spécifique des parties. Le contrat de master franchise devra prévoir, lorsque des autorisations de mise sur le marché ou d’importation sont requises, qui sera en charge de les obtenir.
Il sera fondamental de s’informer, notamment pour des contrats conclus hors de l’Union Européenne, de la réglementation des changes applicable et d’adapter le cas échéant le contrat de master franchise en conséquence. En effet, certaines formalités peuvent être requises pour permettre le paiement des sommes dues en application du contrat. Dans certains pays, des autorisations pourront devoir être demandées préalablement à tout transfert de fonds. Dans ces hypothèses, le contrat peut devoir être adapté et la responsabilité de l’accomplissement des formalités devra être clairement précisée. Lorsque le contrat de master franchise est conclu pour un pays hors zone euro, la monnaie utilisée et les questions de risques de change devront être anticipées. Le contrat pourra également prévoir des garanties de paiement adaptées pour réduire les risques de recouvrement à l’étranger.
Il faudra également anticiper la fiscalité applicable. Par exemple, une retenue à la source sera-t-elle applicable aux redevances payées ? Une convention visant à éviter les doubles impositions existe-t-elle entre les deux pays ? Dans l’affirmative, quelles sont les modalités pour éviter ou limiter une double imposition ? Le contrat pourra comporter le cas échéant une clause de revenu net, autrement appelée clause de « gross up ».
Une analyse de la circulation des données personnelles au sein du réseau devra être menée. Des formalités particulières pourraient trouver à s’appliquer, tant en France que dans le pays du co-contractant, selon la nature des données collectées, les modalités de leur traitement et les pays dans lesquels elles seront transférées. Celles-ci doivent impérativement être anticipées, compte tenu des sanctions pouvant s’appliquer.
Au-delà du contrat de franchise type qui en constitue généralement la base, un contrat de master franchise comporte donc un certain nombre de stipulations spécifiques, qui doivent être adaptées au schéma mis en place, aux parties en présence et aux pays concernés par l’opération.
Jérôme Le Hec, avocat et Jean-Baptiste Gouache, fondateur du cabinet Gouache Avocats et membre du collège des Experts de la Fédération française de la franchise, FFF.