Le management participatif : la clé pour des entreprises libérées ?
Réflexions et conseils sur le management participatif
Dans les années 190/1990, le management participatif a été présenté comme une révolution dans le monde du management… puis a petit à petit été plus ou moins délaissé, laissant cependant des marques indélébiles sur les pratiques managériales. Depuis 2009, la nouvelle mode, c’est l’entreprise libérée. Pourtant, des voix discordantes se font déjà entendre pour dénoncer un concept perçu comme une escroquerie intellectuelle. Le management participatif permet véritablement, quand il est mis en place de manière intelligente, de se rapprocher du modèle de l’entreprise libérée, sans tomber dans les excès de ce concept aux accents sectaires. Quelles sont les limites de l’entreprise libérée ? Qu’est-ce que le management participatif ? Comment le mettre en place ? Quels sont les exemples de management participatif ? Nos réponses.
Les entreprises libérées : concept ambigu pour modèle fragile
Créé et popularisé par Isaac Getz, un enseignant de l’ESCP Europe, et Brian Carney, cadre supérieur dans une entreprise américaine de télécom et ancien rédacteur en chef du Wall Street Journal, le concept d’entreprise libérée est devenu, dès la publication de l’ouvrage de référence des deux auteurs, une tendance de fond, un buzz dans le monde du management.
Le principe fondamental de l’entreprise libérée : tracer un trait sur l’organisation pyramidale et bureaucratique de l’entreprise taylorienne, dans laquelle les managers passent 50% de leur temps, en moyenne, à réaliser des tâches de contrôle et de reporting, pour adopter un mode d’organisation dans lequel, idéalement, les salariés sont auto-gérés et où les managers deviennent plutôt des coaches, des accompagnants.
Sur le papier, une telle organisation devrait permettre
- De passer de 7 niveaux hiérarchiques à 2 seulement (et donc de générer des économies considérables) ;
- De réduire la souffrance au travail (dont le coût est estimé à 3,8% du PIB en moyenne !) ;
- De gagner en productivité ;
Toutefois, ce concept présente quelques petits problèmes, largement évoqués dans cet article de la revue Sciences Humaines. Absence de modèle réplicable, tendance à concevoir l’entreprise comme une secte dans laquelle les avis divergents sont évacués, etc. Bref : difficile, à partir des ouvrages et documentaires sur le sujet d’établir un plan de conduite du changement pour son entreprise.
En revanche, s’il est un point que cet engouement pour le concept d’entreprise libérée met en avant, c’est celui du management participatif, sorte de compromis permettant une valorisation des salariés et une augmentation de la performance de l’entreprise, sans bouleverser pour autant une organisation qui a su prouver son efficacité relative.
Le management participatif : une alternative performante
Le principe du management participatif (on parle également de management collaboratif) est de miser sur l’intelligence collective et de réduire la mission de contrôle du manager (sans l’abolir totalement) pour adopter à l’inverse une mission d’accompagnement.
Pour Antoine Lecoq, Managing Director chez Page Group, toutes les entreprises qui mettent en place des dispositifs participatifs « reconnaissent que ces méthodes favorisent la participation des salariés et donnent sens au travail de chacun ». Il poursuit en outre, résumant par là parfaitement les bénéfices de ce type de pratique : « Le management participatif entraîne une plus grande adhésion, un moindre absentéisme, une amélioration de la productivité et même du chiffre d'affaires... Le gain pour l'entreprise est réel d'autant plus qu'il améliore l'expérience client, dynamise l'image externe tout en favorisant la cohésion et la rétention des collaborateurs. »
En somme, sans aller jusqu’aux excès marketing de l’entreprise libérée, on pourrait réduire la souffrance au travail et augmenter la performance, en abordant le management véritablement comme une fonction support et non comme une instance de contrôle ? Reste à savoir comment, concrètement, mettre en place des stratégies de management collaboratif au sein d’une entreprise.
La co-construction des objectifs à court terme
Le dirigeant a une vision à long terme de son entreprise, un projet quasi politique qu’il transmet à l’ensemble de ses collaborateurs. Le manager, dans ce cadre, doit donc fixer des objectifs à moyen terme. Là où le participatif peut alors intervenir, c’est dans l’établissement des objectifs à court terme, voire à très court terme. C’est en effet l’un des enseignements des méthodes agiles : les équipes sont généralement plus performantes et moins en souffrance quand elles ont comme agenda une succession de petits objectifs à court terme. La tâche paraît plus simple et la satisfaction de l’objectif atteint est régulière. Dans cette logique, co-construire, négocier ces objectifs avec les équipes est une solution performante pour favoriser l’engagement et la motivation.
L’innovation participative comme moteur de croissance et de management
Les jus de légumes de la marque Innocent (plus de 40 millions d’euros de CA sur ce produit), Google Map, Gmail, le Post-It, le film d’animation Là-Haut, etc. : toutes ces innovations couronnées de succès ont été développées par des collaborateurs travaillant dans des entreprises à leur écoute. Le principe est de fournir aux collaborateurs des outils (une « boîte à idées » peut tout à fait convenir pour cet usage) leur permettant de faire des propositions :
- Sur l’organisation du travail ou des postes de travail (ergonomie, outils, etc.) ;
- Sur des marchés à explorer ;
- De nouveaux produits/services à proposer aux clients ;
- De fournisseurs ;
- Etc.
Et bien sûr, ces propositions doivent être valorisées, en particulier quand elles sont adoptées et mises en œuvre. Certaines entreprises prévoient même des gratifications financières pour récompenser les idées qui ont généré du chiffre d’affaires ou un gain de productivité.
L’intégration des salariés dans la gouvernance
C’est enfin la dernière étape d’un management participatif abouti : l’intégration des salariés dans la gouvernance. C’est d’ailleurs l’un des éléments-clés des entreprises sociales et solidaires et des démarches RSE… mais c’est aussi le plus délicat à mettre en œuvre, ou à tout le moins celui que les dirigeant sont les plus réticents à mettre en place. Et pourtant, intégrer les acteurs dans l’élaboration de la stratégie de l’entreprise peut se révéler tout aussi efficace à moyen et long terme que l’innovation participative.
L’intelligence collective au sein des réseaux de franchise
Par principe, le développement d’un réseau de franchise consiste à appliquer dans une diversité de points de vente une « recette », le concept, éprouvée sur une ou plusieurs unités pilotes.
Par conséquent, a priori, ce modèle de développement est plus propice à une organisation pyramidale, descendante, avec une tête de réseau imposant aux franchisés des modalités de travail et de mise en œuvre du concept.
Cependant, une telle organisation induit non seulement une forme de rigidité incompatible avec l’agilité attendue d’une entreprise moderne, mais en plus un éloignement inévitable de la tête de réseau par rapport au terrain.
Dès lors, il apparaît que les enseignes ont beaucoup à gagner à s’inspirer du modèle du management participatif des entreprises et à l’appliquer à leur réseau.
L’intelligence collective, lorsqu’elle est mise en œuvre de manière pertinente et efficace, permet alors aux enseignes de franchise de faire évoluer leur concept, de développer des bonnes pratiques applicables à l’ensemble de leur réseau, de trouver de nouvelles méthodes de travail, d’ouvrir de nouveaux marchés, etc.
Le management participatif de réseau en pratique
« Comme nous avons un métier technique, nous avons besoin des hommes et des femmes qui sont sur le terrain pour faire évoluer nos pratiques », dit ainsi Aline Garcia, chargée de développement et partenariats pour la franchise ATTILA, spécialisée dans la réparation, l’entretien et la maintenance de toitures.
De fait, afin de faire évoluer son métier et ses pratiques, la tête de réseau organise des groupes de travail, qui réunissent de nombreuses parties prenantes (techniciens, fournisseurs, responsables d’agence, collaborateurs du siège, etc.) afin de trouver collectivement des solutions techniques. C’est par ce biais que l’enseigne a été l’une des premières à cesser d’utiliser le chalumeau pour réaliser l’étanchéité des toitures. Elle utilise désormais une technique innovante qui permet de mieux protéger les personnes et les biens lors des interventions.
Outre ces groupes de travail, l’enseigne leader de son secteur a également créé une commission nationale, qui réunit 9 franchisés, élus par leurs pairs, ainsi que le fondateur du réseau et des membres de la tête de réseau.
Cette commission travaille sur de nombreux sujets stratégiques tels que la stratégie de la marque, la démarche RSE, les modes opératoires, etc.
C’est une solution similaire que la franchise de pizzérias La Pizza de Nico a mise en place. « Nous organisons tous les 2/3 mois un conseil consultatif d’une durée d’une journée qui réunit 7 partenaires-franchisés qui sont élus par l’ensemble du réseau », explique ainsi Lucas Viallet, responsable développement de l’enseigne.
« Le but de ce conseil [composé également du fondateur de l’enseigne, du responsable formation et d’un modérateur extérieur, spécialisé dans le management de franchise, Ndlr] est d’échanger sur les décisions stratégiques (augmentation des prix ou non, nouvelles recettes, etc.) pour le réseau. Plusieurs points sont abordés sur la vie du réseau, que ce soit les bonnes pratiques à appliquer en restaurant, de nouvelles idées pour innover, etc. », poursuit Lucas Viallet.
Pour le leader du rééquilibrage alimentaire dietplus, si la stratégie est similaire, les modalités de mise en œuvre de l’intelligence collective sont légèrement différentes. Le spécialiste du coaching minceur mêle en effet démocratie participative et sélection méritocratique pour booster ses performances.
Ainsi, l’ensemble des franchisés est amené une fois par an à suggérer des évolutions du concept, de la stratégie de la marque, des produits distribués en point de vente, de la communication, etc.
Ces propositions sont étudiées par un comité consultatif composé des 10% des franchisés ayant réalisé les meilleurs chiffres d’affaires. Concrètement, ce G10 est d’abord décomposé en un premier comité de 4 membres (2 centres ne comptant qu’un seul coach et 2 centres comptant une équipe de coaches) : le G4. Le G4, en collaboration avec le fondateur de l’enseigne et la directrice du concept, valide les propositions émanant du réseau. Dans un second temps, le G10 priorise ces évolutions afin que la tête de réseau les mette en œuvre dans l’année qui suit.
Chez ATTILA enfin, les franchisés et collaborateurs ont accès à une « boîte à idée » digitale, accessible via l’outil informatique centralisé du réseau. Le principe est que si une idée reçoit plus de 30 votes de la part des franchisés et collaborateurs, elle est étudiée par la tête de réseau : c’est véritablement de la démocratie participative !
« L’idée est de partir de la base, de réfléchir ensemble et d’adapter les choses en bonne intelligence », conclut Valentin Gauthier, chargé de développement.
Tous ces exemples démontrent que c’est par le management participatif de réseau qu’une enseigne peut exploiter l’intelligence collective de ses franchisés afin de rester agile, performante et, en définitive, devenir leader de son secteur.