Auto-entrepreneurs : une réforme de la TVA qui inquiète
TVA et auto-entrepreneurs : une nouvelle contrainte dès mars 2025
L’une des mesures les plus contestées du projet de loi de finances 2025 est la réforme de la TVA pour les auto-entrepreneurs, qui prévoit l’abaissement du seuil de franchise en base de TVA. Adopté dans un climat politique tendu, marqué par le recours au 49.3, le texte a résisté à la motion de censure déposée par La France Insoumise. À moins d’un improbable rejet par le Sénat, cette mesure devrait entrer en vigueur sans modification.
Dès le 1er mars 2025, un seuil unique de 25.000 euros de chiffre d’affaires annuel s’appliquera ainsi à toutes les micro-entreprises, en remplacement des plafonds actuels de 37.500 euros pour les prestations de services et 85.000 euros pour les activités commerciales. Selon Grégoire Leclercq, président de la Fédération Nationale des Auto-Entrepreneurs, cette décision touche directement plus de 240.000 auto-entrepreneurs qui étaient jusqu’alors exemptés, voire entre 300 000 et 350 000 indépendants en incluant les autres petites entreprises bénéficiant de l'exemption de la TVA.
Un cadre fiscal profondément modifié
Jusqu’à présent, la franchise en base de TVA permettait aux auto-entrepreneurs et petites entreprises de ne pas facturer cette taxe à leurs clients. En contrepartie, ils ne pouvaient pas la récupérer sur leurs propres achats. Ce dispositif s'appliquait aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel ne dépassait pas 37.500 euros pour les prestations de services et 85.000 euros pour les activités commerciales. Avec la réforme, ces seuils seront remplacés par un seuil unique de 25.000 euros, applicable à toutes les activités.
Les entreprises réalisant un chiffre d’affaires compris entre 25.000 et 27.500 euros deviendront assujetties à la TVA au 1er janvier de l’année suivante. Celles dépassant 27.500 euros seront immédiatement concernées.
Le gouvernement justifie cette réforme par un objectif de simplification et d’harmonisation fiscale, tout en estimant que cette mesure devrait générer environ 400 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires en 2025. Les représentants des auto-entrepreneurs, eux, dénoncent une complexification administrative et une perte de compétitivité des plus petites structures.
Un impact économique variable selon le modèle d'activité
Cette réforme de la TVA pour les auto-entrepreneurs a des répercussions directes sur la compétitivité des micro-entreprises. Jusqu’ici, l’exonération de TVA leur permettait d’être plus compétitives en pratiquant des tarifs plus attractifs.
Les auto-entrepreneurs nouvellement assujettis devront choisir entre augmenter leurs prix pour compenser la taxe ou réduire leurs marges. Pour ceux dont la clientèle est composée d’entreprises, l’impact restera limité, car ces clients pourront récupérer la TVA sur leurs propres achats. En revanche, pour ceux s’adressant principalement aux particuliers, qui ne peuvent pas récupérer cette taxe, la hausse des prix pourrait dissuader certains consommateurs. Ces auto-entrepreneurs seront alors contraints de rogner sur leurs marges pour ne pas perdre de clientèle.
Par ailleurs, bien que les auto-entrepreneurs puissent, eux aussi, récupérer la TVA sur leurs achats professionnels, cela ne concerne que ceux qui effectuent des dépenses significatives. Or, de nombreuses petites entreprises, notamment dans les secteurs à faibles charges, n’ont pas la possibilité de profiter de cet effet, ce qui fragilise davantage leur équilibre financier.
Outre l’impact économique, l’application de la TVA implique aussi de nouvelles obligations administratives : établissement de factures avec TVA, déclarations fiscales régulières et gestion plus rigoureuse de la trésorerie. Ces contraintes supplémentaires risquent d’alourdir le quotidien des auto-entrepreneurs, qui choisissent souvent ce statut pour sa simplicité comptable et fiscale.
Une opposition forte des auto-entrepreneurs
Les organisations professionnelles dénoncent une réforme qui pourrait freiner l’élan entrepreneurial. Selon les chiffres de l’Insee, 64% des 1.111.200 entreprises créées en 2024 l’ont été sous le régime de la micro-entreprise. Cette réforme, en ajoutant des contraintes, pourrait décourager certains porteurs de projet.
Autre inquiétude : certains entrepreneurs pourraient être tentés de limiter volontairement leur activité pour rester sous le seuil des 25 000 euros afin d’éviter l’assujettissement à la TVA. D’autres alertent sur un risque d’augmentation du travail non déclaré, en particulier pour les professions à faibles marges ou aux revenus fluctuants. Si ces craintes se confirmaient, la réforme pourrait avoir des effets inverses à ceux escomptés par le gouvernement, en affaiblissant le tissu entrepreneurial au lieu de le structurer.
Un avenir incertain pour les micro-entrepreneurs
Malgré les nombreuses contestations, et sauf rebondissement improbable, la réforme de la TVA pour les auto-entrepreneurs semble inévitable. Depuis sa création en 2009, le régime de la micro-entreprise a connu plusieurs ajustements, notamment avec l’augmentation des plafonds de chiffre d’affaires en 2018. Aujourd’hui, l’abaissement du seuil de franchise TVA à 25.000 euros marque un nouveau tournant qui ne va pas forcément dans le bon sens.
Si l’objectif affiché du gouvernement est d’uniformiser le cadre fiscal et d’augmenter les recettes publiques, l’impact réel sur les micro-entreprises reste incertain. Complexification administrative, perte de compétitivité et adaptation nécessaire : cette réforme pourrait modifier en profondeur le paysage des indépendants en France. Les indépendants s’adapteront-ils à ce nouveau cadre ou assistera-t-on à une remise en cause du modèle de la micro-entreprise tel qu’on le connaît ? Seul l'avenir nous le dira.