Dossier SAP : Le livre blanc du SESP en faveur des entreprises SAP
Une liste de 50 mesures concrètes qui pourraient relancer le marché des SAP a été dressée.
Face aux difficultés que rencontre le secteur, les commissions métiers du Syndicat des Entreprises de services à la personne (SESP) ont planché sur 50 mesures concrètes qui permettraient aux entreprises SAP de relever le défi de l’activité et de l’emploi.
La rédaction du livre blanc du SESP a fait l'objet d'une vaste concertation des professionnels. « De nombreux chefs d’entreprises et collaborateurs ont échangé sur leur connaissance du terrain, la vision de leurs métiers et de leurs évolutions, leurs attentes ainsi que les apports qui pouvaient être spécifiques aux entreprises en réponse au grand défi de l’offre - dans sa diversité et sa qualité - et de l’emploi. » |
A l'issue de cette réflexion, 50 mesures concrètes ont été dégagées autour de 4 grandes thématiques :
- Un cadre fiscal et règlementaire stabilisé ;
- La lutte contre le travail au noir ;
- Emploi, professionnalisation, attractivité des métiers ;
- Reconnaissance de l’entreprise de SAP.
La première des 50 propositions, qui concerne l'ensemble des thématiques est de créer une mission interministérielle en faveur des SAP.
Partie 1 : Un cadre fiscal et règlementaire stabilisé (10 mesures)
Le secteur des SAP est souvent dans l'actualité (niches fiscales rabotées, hausse de la TVA...). « Les confusions entre dispositifs sont nombreuses, les amalgames aussi. Ces situations favorisent les phénomènes d’anticipation à la baisse du recours aux services, voire les renoncements aux services de la part d’un public désorienté. Ainsi, une prise de parole forte et déterminée des pouvoirs publics pour affirmer la pérennité du cadre fiscal du secteur est absolument nécessaire. »
Cela passe selon la SESP par une réaffirmation formelle du maintien du taux de 50 % de la réduction /crédit d'impôt, mais aussi par une vraie distinction entre ce qui relève de la fiscalité applicable aux SAP de celle des niches fiscales. « De par l’ampleur de ses enjeux et ses résultats en termes d’offres sociétales et sur le front de l’emploi, la fiscalité appliquée aux SAP ne peut être confondue avec celle d’outils strictement financiers. »
De plus, l’introduction de taux de TVA différenciés selon les métiers complexifie la pratique au quotidien de certaines entreprises. Cela a des conséquences sur la cohérence des offres, et cela « nuit aux logiques de rapprochement entre entreprises. » Le SESP demande ainsi à ce que le taux réduit de TVA soit unifié. Sachant que les entreprises de SAP voient leurs charges augmenter très fortement par la mise en œuvre simultanée d’une complémentaire « prévoyance » et d’une complémentaire « santé », le SESP demande à ce que l'alourdissement des charges soit stoppé : « De nouvelles hausses de charges à moyen ou court terme seraient extrêmement difficiles à surmonter et mettrait en péril la pérennité même des structures et des emplois. »
Le SESP demande également de rétablir la déclaration forfaitaire de cotisations sociales : la suppression de l’option forfaitaire sur la base du smic pour la déclaration des cotisations sociales du particulier employeur (Plfss 2013) a eu pour triple effet une réduction de 29 millions d’heures de services à domicile déclarés avec pour corollaire la destruction de 41 000 emplois dès le premier trimestre et d’un manque à gagner de 173 millions d’euros pour les comptes de la sécurité sociale. En rétablissant le dispositif précédent, cela permettrait aux finances publiques de regagner en performance, aux salariés et intervenants à domicile de retrouver un plus grand pouvoir d’achat, aux entreprises mandataires de retrouver un niveau de compétitivité adapté aux contraintes des services à la personne et aux particuliers employeurs de financer/déclarer l’intégralité de ses besoins en services à domicile.
Le maintien du Complément mode de garde est par ailleurs réclamé. Le complément mode de garde (CMG) est une prise en charge partielle par la CAF des frais de garde des enfants au domicile des familles. Une altération du montant ou des plafonds du CMG se traduirait par une réduction du volume des heures de garde déclarées. Le livre blanc se positionne en faveur de la généralisation du CESU préfinancé et/ou la télégestion : « Le Chèque emploi service universel (CESU) et la télégestion permettent le contrôle de l’effectivité de la prestation et de la dépense publique. Cette mesure permettrait aux pouvoirs publics et aux collectivités territoriales de s’assurer de l’effectivité de réalisation des plans d’aide, notamment en évitant la sous consommation ou une consommation détournée de son objet. »
De même, le livre blanc souhaite qu'il soit interdit toute mention publicitaire sur les CESU. En dépit des règles de libre choix du prestataire par les bénéficiaires du service et de libre concurrence entre acteurs du secteur, de nombreux conseils généraux indiquent sur les CESU les logos et coordonnées des prestataires associatifs. « Afin de rétablir l’exercice de ces principes et garanties, toute mention publicitaire doit être interdite sur les CESU. »
Les autres mesures militent en faveur d'un rétablissement du Crédit impôt famille « entreprises » à la garde d’enfants et l'établissement d'une grille nationale de tarif horaire pour l'APA : « dans la majorité des cas, le tarif de référence pour le secteur agréé est très nettement inférieur au tarif des services autorisés. Cette situation de discrimination à l’égard des structures agréées par l’Etat, qui sont par ailleurs essentiellement des entreprises, ne trouve aucune justification, ni légale ni dans la pratique, les services d’aide à domicile quel que soit leur statut (agréés ou autorisées) présentant une structure de coûts très homogène. »
Partie 2 : La lutte contre le travail au noir (5 mesures)
Les services à la personne subissent la concurrence directe du recours au travail « au noir » qui représente une offre illégale et à bas coût pour le bénéficiaire du service. Selon les métiers, le recours des ménages à l’activité non déclarée couvre de 30 à 70 % de l’activité globale. Pour maintenir la capacité concurrentielle du travail légal, il convient avant l’adoption de toute nouvelle mesure normative ou fiscale concernant les services à la personne de s’interroger sur leur impact au regard de la capacité concurrentielle de l’activité légale par rapport à la réalité de l’offre illégale du travail « au noir ».
Le SESP milite également pour une information renforcée des risques de non déclaration au fisc en direction des particuliers. « Combien d’entre eux savent qu’ils risquent des sanctions non seulement financières, mais aussi pénales ? La pratique de l’emploi non déclaré qui se maintient en parallèle à l’action des entreprises, doit être combattue au profit des salariés, des acteurs agissant dans le cadre légal et des finances publiques. »
Dans un autre registre plus concret, le SESP demande à ce que soit instauré un système de tiers payant pour les SAP. L’avantage fiscal prendrait ainsi effet dès le paiement de la prestation, ce qui permettrait de préserver le pouvoir d'achat des particuliers. « Un système de tiers payant éviterait ce frein au recours aux services pour des personnes et des familles qui pourtant en nécessitent le besoin, tel que cela a été mis en place en Suède ».
Sachant que les multiples modifications réglementaires et fiscales du secteur et la remise en cause lors de nombreux débats parlementaires de tout ou partie du périmètre des 21 métiers du secteur rendent complexe et aléatoire la perception des Français sur la persistance ou non des avantages liés au recours aux services à la personne. Pour contrer ces causes de désinformation des ménages autant que de fragilisation des entreprises, il convient de mettre en œuvre des actions d’informations appuyées sur des supports officiels (déclaration d'impôt, supports d'information grand public du ministère des Finances.
Enfin, le SESP milite en faveur d'une redéfinition du cadre du contrôle à domicile de l'Inspection du travail. « Les contrôles à domicile se heurtent à une restriction légale aujourd’hui insurmontable pour l’inspection du travail, et pourtant inadaptée aux situations de travail dissimulée. Cet empêchement de l’action de contrôle, et l’absence dans les faits de sanction, constituent une incitation à la fraude. » Simultanément à l’information délivrée auprès des particuliers sur les risques encourus en cas de travail dissimulé, il est souhaité une redéfinition du mode d’action des contrôles à domicile.
Partie 3 : Emploi, professionnalisation, attractivité des métiers (18 mesures)
Le SESP propose qu'une convention pluriannuelle soit signée entre l’Etat et les fédérations d’employeurs représentatives du secteur pour mieux conditionner l’avantage fiscal à la création d’emploi et la qualité des services. Il est également proposé de lancer la phase 2 du Plan national de développement de l'alternance. « Avec plus de 1 500 nouveaux jeunes entrés en apprentissage sur les métiers des SAP en deux ans, le succès de la phase 1 du Plan national de développement de l’Alternance dans les SAP (PNDA 2010-2012), invite à engager sans tarder la phase 2 par deux nouveaux programmes en faveur, d’une part, du renforcement de la capacité des SAP à embaucher des jeunes et, d’autre part, de l’amélioration de l’information entre les besoins en recrutement et les compétences disponibles jusqu’alors « volatiles ».
Le SESP demande en outre que soit revue la loi relative à la sécurisation de l'emploi afin de permettre la progression du temps partiel. Cette loi qui impose une durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour les salariés à temps partiel est en effet « totalement inadaptée au secteur des services à la personne, où la durée moyenne hebdomadaire du travail des salariés est à 11 heures ».
Le livre blanc propose aussi d'étendre l'obligation d'entretien de recrutement en face à face. Cette proposition vise clairement les pratiques de l'intermédiation à distance via internet qui selon le SESP « présente des risques tant pour le bénéficiaire du service que pour la personne proposant ses services. » Cette mesure est jugée « indispensable pour pouvoir vérifier l’identité de l’intervenant, ses compétences et ses aptitudes et sécuriser la prestation ».
Autre mesure proposée : la création d'un passeport médical SAP pour permettre aux salariés multi-employeurs (3 sur 4) d'être suivis convenablement par la médecine du travail. « Instaurer un passeport médical permettrait aux salariés de maîtriser leur suivi médical et au secteur de participer à l’amélioration de la prévention et de suivi de la santé au travail. » Le SESP souhaite également que l'expérience des auxiliaires de puériculture soit reconnue pour mieux faire face aux tensions de recrutement.
Il est aussi proposé de passer de 2 500 à 5 000 apprentis aux métiers des SAP. « Avec 42,5 % des intentions d’embauches fléchées vers les services à la personne, ce secteur est le premier pôle de recrutements potentiel en France. Face à cette pression, il convient d’accélérer le développement de l’apprentissage aux métiers des SAP sur l’ensemble du territoire national. » Et pour se donner les moyens de cet objectif, le SESP propose que la taxe d'apprentissage versée par les entreprises des SAP soit réservée à l'apprentissage des SAP. Pour mieux aider le secteur, il est proposé de rétablir la prime à l'embauche dans les SAP. « La suppression de la prime à l’embauche dans le cadre du Contrat de professionnalisation (CP) pénalise leur développement, particulièrement au sein du secteur des SAP qui était dans une phase de croissance du dispositif, désormais fortement ralentie ».
De même, le SESP propose de rétablir la prime d'accompagnement tutoral dans les SAP. Pour démultiplier les accès à la professionnalisation, le SESP propose de promouvoir le e-learning : « Certaines compétences ne nécessitent pas d’avoir recours à des sessions de formations en mode présentiel sur la totalité des heures de formation. Les technologies de communication permettent aujourd’hui d’adapter les moyens de formation avec les nécessités des contenus ». Le SESP se positionne en outre pour une réduction du nombre de qualifications professionnelles : « Le champ de la qualification professionnelle des SAP comporte plus de 65 titres, certificats et diplômes ! Cette profusion est porteuse de complexité, de confusion, voire d’incompréhension des jeunes et de leur famille d’abord, mais aussi des professionnel eux-mêmes. Cela nuit également aux parcours professionnels en enfermant les carrières dans des grilles étanches. »
Dans le même souci de simplification, le SESP propose que soient créées des passerelles entre les qualifications professionnelles : « Les services à la personne dépendent de trois conventions collectives nationales : entreprises, particuliers employeurs, associations. A l’étanchéité des filières s’ajoute celle des branches. Ces catégorisations des filières sont des freins à la valorisation et l’attractivité des métiers, à l’évolution des carrières, à la reconnaissance des compétences. » Il est aussi proposé d'ouvrir la formation aux intervenants non mandataires et de créer un agrément des intervenants directs auprès du public fragile.
Cet agrément délivré par les pouvoirs publics permettrait de garantir les compétences de l’intervenant à domicile et la qualité du service rendu comme cela existe déjà pour les assistantes maternelles.
Les autres mesures proposées sont de prendre en compte les frais de déplacement dans la tarification APA, de reconnaitre une équivalence BAFA pour l'expérience professionnelle à domicile et d'étendre l'agrément SAP jusqu'aux 6 ans de l'enfant pour la garde à domicile (au lieu de moins de 3 ans aujourd'hui). Pour cette dernière mesure, le SESP estime que cela permettrait de remettre en cohérence la règlementation générale en vigueur : « l’allocation garde d’enfants est versée jusqu’aux six ans de l’enfant, les règles d’autorisation des établissements d’accueil de la petite enfance portent sur la garde d’enfants de moins de six ans, de même pour la filière formation de la petite enfance. L’extension des dispositions du cahier des charges applicable à la garde d’enfants doit porter jusqu’à leurs six ans. »
Partie 4 : Reconnaissance de l'entreprise de SAP (16 mesures)
Pour que l'entreprise de SAP soit reconnue, le SESP propose qu'il soit créé un statut de l'entreprise de SAP. Cette mesure permettrait aux pouvoirs publics de disposer d’une source consolidée d’analyse des phénomènes socio-économiques à l’œuvre sur les entreprises du secteur. Elle permettrait aussi à toutes les entreprises d'être sur un pied d'égalité (code APE unique, obligation de Certification Qualité, obligation de recrutement en face à face, CDD Usage). « Pour les entreprises mandataires cette mesure permettrait la mise en œuvre d’un forfait, un accès aux fonds formation aujourd’hui abusivement réservé aux particuliers employeurs, et pour les entreprises prestataires la sécurisation du temps partiel choisi, des seuils d’effectifs majorés. »
Le SESP propose aussi de stabiliser la fiscalité pour permettre aux entreprises de mieux anticiper et se développer. « En huit ans (2005, plan Borloo), pas moins de 25 (!) mesures fiscales et réglementaires ont été appliquées peu ou prou aux entreprises de services à la personne ». Ce vrai festival de changements ajoute des risques et nuit à la visibilité des prestataires. Pour le SESP, il est urgent également de différencier l'intermédiation des mandataires car en effet, la valeur ajoutée est loin d'être la même !
Et de fait, l'intermédiation n'apporte pas de garanties sur les compétences des personnes proposant un service. Le recrutement se fait sur un mode déclaratif, sans vraiment de vérification. « Ces activités sans valeur ajoutée bénéficient pourtant du même cadre fiscal que les entreprises mandataires répondant, quant à elles, à des règles strictes de gestion et de certification. » Dans le même esprit de qualité, le SESP souhaite que soit créée une délégation de service public SAP et demande à ce que le Fonds stratégique d'investissement (FSI) soit ouvert aux entreprises SAP. Cette mesure permettrait aux entreprises de SAP de disposer de leviers financiers pour soutenir leur passage de PME et ETI, voire au-delà.
Pour toujours plus de reconnaissance, les professionnels du SESP demandent que soit également créé un agrément national SAP, et non plus seulement un agrément de portée départementale comme aujourd'hui. Cette mesure vise à simplifier les démarches : les structures souhaitant proposer des services sur tout ou partie du territoire national doivent déposer dans chaque département un dossier de demande d’agrément.
Autre mesure réclamée par le livre blanc : la prise en compte des activités de main d'œuvre dans les effets de seuils. « Les entreprises sont soumises à de nombreux seuils qui produisent d’importants impacts financiers, fiscaux, économiques et structurels. Ces impacts sont d’autant plus importants pour les entreprises de services à la personne que les salaires et charges représentent plus de 80 % des coûts. Dans les entreprises de main d’œuvre, les obligations sociales liées aux effectifs imposent des coûts de gestion RH disproportionné par rapport à des entreprises hautement capitalistiques. »
Le SESP demande aussi d'adopter une base forfaitaire pour le calcul de la complémentaire santé et milite en faveur de l'ouverture du CDD d'usage aux entreprises prestataires sachant qu'actuellement, le recours à ce type de contrat n’est actuellement autorisé dans les SAP qu’aux entreprises intervenant via la mise à disposition d’un salarié. Cette restriction, selon le SESP « n’est pas justifiée, les conditions de réalisation du service étant les même quel que soit le type de mode d’intervention retenu ».
Les autres mesures proposées par le livre blanc sont respectivement de créer une banque de données commune aux structures de garde d'enfants, d'intégrer les entreprises dans les expérimentations de maintien à domicile, d'attribuer un code NAF spécifique aux SAP, de répertorier l'offre de garde à domicile sur le site du syndicat (www.mon-enfant.fr), d'inscrire dans la loi le devoir d’exhaustivité de l’information sur l’offre, de reconnaitre la qualité de domicile en établissement et de promouvoir la certification de services.
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Sommaire du dossier
- Introduction
- Un secteur fragilisé selon l'étude Oliver Wyman
- Un gigantesque gâchis selon l'étude de Jean-Paul Betbèze
Dominique André-Chaigneau, Toute la Franchise ©