Transmission universelle de patrimoine : poursuite des relations commerciales mais forte diminution des commandes… (CA Paris, 5 juin 2014, RG n° 12/12972)

Une banque régionale était en relation depuis 1978 avec une entreprise de production à laquelle elle commandait la réalisation de vidéogrammes et de montages audiovisuels qu’elle utilisait ensuite pour sa communication. Cette banque a ensuite fusionné avec une autre banque régionale du même groupe pour donner naissance à une nouvelle banque ; le même schéma s’est ensuite reproduit donnant ainsi lieu à des transmissions universelles de patrimoine.

En dépit toutefois de ces changements, il a toujours été fait appel aux services de la société de production pour la réalisation de prestations, mais le rythme des commandes a cependant fortement baissé à compter de 2009. C’est dans ce contexte que la société de production a assigné la banque avec laquelle elle était désormais en relation en se fondant sur l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce qui sanctionne la rupture brutale, même partielle, de relations commerciales établies.

Il convient en effet, en cas de diminution du rythme des commandes passées à son partenaire, de prévenir celui-ci suffisamment à l’avance, en respectant une durée de préavis suffisante eu égard notamment à la durée des relations entretenues entre les parties. C’est autour de cette notion de « relations » que la question se cristallisait.

Les changements de forme juridique intervenus au sein des banques régionales ont-ils eu pour effet de créer des relations commerciales distinctes ou la relation commerciale initiale s’est-elle poursuivie nonobstant les transmissions universelles de patrimoine successives ?

Les juges ont considéré que ces changements n’avaient pas affecté la continuité des relations commerciales qui avaient initialement été établies puisque des prestations similaires ont ensuite été confiées à l’entreprise de production. Il y avait donc lieu de tenir compte de la durée de la relation commerciale qui existait depuis 1978 pour calculer la durée du préavis qui aurait dû être respectée (cf. également : Cass. com., 25 septembre 2012, pourvoi n°11-24.301).

Le fait de réduire de 88% le montant des commandes passées sans respecter de préavis doit être regardé comme une rupture partielle des relations commerciales : la banque aurait en effet dû faire précéder la diminution du rythme de ses commandes d’un préavis écrit tenant compte de la durée des relations. En ne respectant pas une telle exigence, la banque a ainsi engagé sa responsabilité à l’égard de la société de production.

Eu égard à la durée de la relation commerciale, les juges ont considéré qu’un préavis d’une durée de deux ans aurait dû être respecté ; la société de production doit dès lors être indemnisée à hauteur de la marge brute qui aurait été réalisée pendant cette période.

Par conséquent, il convient pour les partenaires de se montrer vigilants lorsqu’ils entendent cesser, voir simplement aménager, les relations qu’ils entretiennent en respectant un délai de prévenance suffisant pour permettre à l’autre partie d’anticiper une telle rupture, qu’elle soit totale ou partielle.

Justine GRANDMAIRE
Avocat - Docteur en Droit
Cabinet SIMON Associés