Loi Macron : quel impact pour la franchise ?
Travail le dimanche, reforme de l'urbanisme commercial, deux sujets phares de la loi Macron
Le projet de loi pour la croissance et l'activité, plus connu sous le nom de Loi Macron a des objectifs ambitieux. Expertise en matière d'urbanisme commercial, travail du dimanche, justice du travail... Tour d'horizon des mesures qui vont compter en franchise.
La loi Macron présentée le 10 décembre dernier par Emmanuel Macron, ministre de l'économie, rassemble une vingtaine de mesures disparates dont le fil rouge est officiellement « d'agir sur tous les leviers pour favoriser la relance de la croissance, de l’investissement et de l’emploi. » Cette loi qui sera examinée à partir du 26 janvier par les députés, s'articule autour de 3 verbes : Libérer, investir et travailler. Selon Emmanuel Macron, la loi éponyme « n’est pas une loi sur les professions réglementées ou le travail du dimanche. C’est une loi qui s’attache à lever de manière pragmatique les obstacles identifiés dans une multiplicité de secteurs pour libérer le potentiel inexploité de croissance et d’activité. » |
Parmi les mesures présentées par Emmanuel Macron, la plupart se consacrent aux professions réglementées du droit (notaires, avocats, commissaires priseurs, huissiers, etc), au permis de conduire ou encore au transport en autocar, autant de sujets qui intéressent peu la franchise... Mais certaines intéressent au premier chef les réseaux comme notamment la mesure sur l’expertise en matière d’urbanisme commercial, celle sur le travail du dimanche et en soirée dans les commerces et de manière transversale, les mesures concernant les investissements, les licenciements et la justice au travail.
Nouvelle donne en matière d'urbanisme commercial
Le projet de loi pour la croissance et l’activité souhaite lever les freins à la concurrence dans le secteur de l’urbanisme commercial en confiant de nouvelles compétences à l’Autorité de la concurrence. Aujourd'hui, l’implantation de commerces dépend des règles d’urbanisme en vigueur dans les territoires, ainsi que de procédures spécifiques à l’urbanisme commercial constituées notamment par les avis en commission départementale et nationale d’aménagement commercial.
« Ces règles sont élaborées par les élus locaux et inscrites dans des documents d’urbanisme, notamment dans les PLU (plans locaux d’urbanisme) et dans les SCOT (schémas de cohérence territoriale).Ils doivent garantir un aménagement harmonieux du territoire, en développant son attractivité commerciale. » Cette distribution des rôles a pour effet une concurrence entre enseignes parfois insuffisante. En effet, selon le Ministère, « les objectifs de développement économique et d’amélioration de l’offre ne sont pas suffisamment appuyés sur des analyses indépendantes des besoins des consommateurs. Cette situation conduit à accroître la concentration dans le secteur des grandes surfaces existantes en raison des limitations à l’implantation de nouveaux acteurs, sans pour autant profiter aux petits commerces de centre-ville. »
Pour limiter ces effets pervers, le projet de loi souhaite donner de nouvelles compétences à l’Autorité de la concurrence « afin de s’assurer que l’implantation de commerces respecte les conditions d’une concurrence équitable et offre au consommateur un véritable choix. » En pratique, l’Autorité de la concurrence pourra être saisie par le préfet, par le ministre de l’économie ou par elle-même, pour donner un avis sur les projets des documents d’urbanisme fixant les règles d’utilisation des sols et la répartition des surfaces allouées au commerce, avant leur validation définitive. « L’Autorité de la concurrence pourra ainsi veiller à ce que ces documents comportent une attention suffisante à une concurrence satisfaisante. » L'avis de l'Autorité de la concurrence sera rendu public.
L’Autorité de la concurrence pourra également enjoindre « les opérateurs détenant plus de 50% d’un marché, dans le commerce de détail, de céder une partie de leurs activités, si cette cession est le seul moyen de rétablir une concurrence effective et après que les grands groupes de distribution en situation de domination sur un secteur aient fait des propositions de correction de leur politique de prix ou de réorganisation au plan local. »
Cette nouvelle donne dans l'instruction des dossiers d'urbanisme commercial vise quatre principaux objectifs :
- Offrir aux consommateurs un maximum de diversité dans l’offre commerciale, « donc de concurrence sur les prix et de gain de pouvoir d’achat » ;
- Permettre l’entrée de nouveaux entrants, « ce qui favorise la concurrence et l’innovation » ;
- Faire bénéficier les fournisseurs d’un plus grand nombre de commerces ;
- Sortir de situations de dialogue parfois trop contraignantes au plan régional.
Travail le dimanche et en soirée dans les commerces
Aujourd’hui, le travail du dimanche est l’exception. Ceci étant des dérogations existent (dérogations sectorielles permanentes, dérogations soumises à autorisation municipale ou préfectorale et dérogations territoriales). Ces dérogations concernent directement les commerces : les dérogations sectorielles permanentes concernent le commerce de denrées alimentaires de détail, autorisé à ouvrir le dimanche matin jusqu’à 13 heures, les dérogations soumises à autorisation municipale aussi appelées « dimanches du maire » pour cinq dimanches par an au maximum, les dérogations dans les zones touristiques et les PUCE (périmètre d’usage de consommation exceptionnel).
Pour ces dernières dérogations limitées à 640 zones touristiques et 31 PUCE, deux régimes cohabitent. Dans les zones touristiques en effet, les entreprises peuvent imposer le travail dominical à leurs salariés le dimanche pendant la(les) période(s) d’activité touristique sans majorations de salaire. Dans les PUCE, les salariés doivent être volontaires pour travailler le dimanche. Ils perçoivent une rémunération double et ont droit à un repos compensateur équivalent en temps, sauf si un accord collectif fixe des contreparties différentes.
Selon le Ministère, « la situation actuelle entraîne une perte d’activité dommageable pour l’économie et crée une grave injustice entre les salariés ayant droit à une compensation salariale et les autres. » De plus, la législation actuelle en multipliant les dérogations et les types de zones (commerciales ou touristiques) génère des problèmes de concurrence générant entre ceux qui peuvent ouvrir et ceux situés en sortie de zone, qui ne le peuvent pas.
Pour limiter ces effets, le projet de loi maintient que le travail du dimanche restera l’exception, mais il sera facilité :
- en permettant aux maires d’autoriser les commerces de leurs communes à ouvrir douze dimanches par an, au lieu de cinq actuellement;
- en garantissant aux commerces qu’ils pourront de droit travailler cinq de ces dimanches, choisis par le maire ;
- en créant, là où c’est justifié par des critères précis, des zones touristiques internationales dans lesquelles le travail le dimanche et en soirée sera possible toute l’année (aéroports, gare, zones hyper touristiques).
En parallèle, le projet de loi souhaite que le travail du dimanche soit rendu plus juste. Cela passe notamment par la généralisation d'une compensation salariale pour tout travail le dimanche. Cette compensation sera la règle quelle que soit la taille de l’entreprise. De même, le texte prévoit la généralisation du volontariat qui sera « la condition absolue de l’ouverture du commerce : en l’absence d’accords (de branche, de territoire ou d’entreprise) sur le volontariat ou sur le niveau de la compensation salariale, le magasin restera fermé. »
Les commerces déjà ouverts sous le régime actuel auront trois ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, pour conclure des accords avec leurs salariés lorsqu’ils n’en ont pas déjà.
Les objectifs de cette mesure sont de créer de l’activité et de mettre fin aux injustices entre travailleurs du dimanche. Côté consommateurs, la mesure permettra à ceux qui n’ont pas le temps en semaine d’aller faire leurs courses le weekend. La mesure permettra en outre de soutenir le secteur du tourisme.
Les autres mesures à connaître
Réforme de l'épargne salariale : Actuellement, seuls 10% des salariés des TPE profitent d’un dispositif d’épargne salariale contre 80% des salariés des grandes entreprises. La loi Macron propose « de simplifier, d’harmoniser et d’élargir l’accès à l’épargne salariale, en particulier pour les salariés des entreprises de moins de 50 salariés, sans pour autant remettre en cause la spécificité de chacun des dispositifs. ». En outre, les 100 Mds € que représente au total l’épargne salariale dans notre pays seront mobilisés pour aider au financement de l’économie réelle.
Réforme de la justice du travail : Actuellement, les délais des prud'hommes sont trop longs (15 mois en moyenne, 29 mois en cas de recours, délais d'appel 16 mois). Pour raccourcir ces délais, mais aussi améliorer la qualité des jugements rendus, les conseillers prud'hommes devront suivre une formation initiale et une formation continue obligatoire. Le bureau de jugement en formation restreinte devra statuer sous trois mois à compter de la phase de conciliation. « Par ailleurs, la procédure pourra être notablement accélérée, en allant directement de la phase de conciliation à la formation de jugement présidée par un juge professionnel. » Le regroupement des contentieux sera mis en œuvre en phase d'appel.
Renforcement de la protection des procédures collectives : Aujourd’hui, de nombreuses procédures de redressement judiciaire révèlent que des entreprises en difficulté sont liquidées alors même qu'elles pourraient avoir de réelles perspectives de redressement. Le projet de loi Macron souhaite donner la possibilité au juge, en ultime recours, d’obliger la vente des actions des personnes qui contrôlent une entreprise en difficulté au profit de personnes présentant un plan crédible de sauvetage de l’entreprise et de maintien d’emplois. En contrepartie, les nouveaux actionnaires auront l’obligation de mettre en place et de financer un plan offrant une nouvelle chance à l’entreprise pour maintenir l’activité et le plus d’emplois possible. La loi crée en outre des tribunaux de commerce spécialisés pour les plus grandes entreprises en difficulté.
Requalification du délit d’entrave : Les sanctions pénales associées au délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel seront remplacées par des sanctions financières.