[DROIT] Rupture de pourparlers entre franchisés et franchiseurs : quand commence le délai de prescription ?
Lorsqu’un candidat à la franchise estime que les pourparlers ont été rompus abusivement, il peut poursuivre ce dernier pour « rupture abusive ». Mais à partir de quel moment la justice doit-elle faire débuter le délai de prescription ? A cette question, le tribunal de commerce de Lille estime que c’est au moment de la rupture de ces mêmes pourparlers.
Le Tribunal de commerce de Lille-Métropole s’est prononcé le 28 novembre 2019 sur le point de départ du délai de prescription applicable à l’action en rupture des pourparlers.
La décision du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 28 novembre 2019 (n°2018018505) indique qu’en cas de rupture des pourparlers, « le point de départ du délai de prescription en matière de rupture abusive des pourparlers est la réalisation du dommage ou la date à laquelle il est révélé à la victime, c’est-à-dire la date à laquelle les pourparlers ont cessé »
L’affaire ayant donné lieu à cette décision mettait en cause la société L., spécialisée dans la vente de pâtisserie et détentrice d’un réseau mondial de points de vente de pâtisserie sous la forme de licences.
En l’espèce, Monsieur C. est entré en contact par mail avec la société L. le 11 mars 2013 afin d’obtenir des informations relatives à l’ouverture d’une franchise au Canada. La société L. a fourni ces informations deux jours plus tard, à savoir la typologie des emplacements requis pour un tel projet, le montant du droit d’entrée pour disposer d’une exclusivité territoriale, ainsi que le détail des différentes étapes du dossier de présentation de candidature. Un mois plus tard, le 11 avril 2013, Monsieur C. a déclenché la première étape du dossier de candidature en transmettant un PowerPoint présentant globalement le projet, comprenant une présentation des demandeurs et du lieu d’implantation convoité, ainsi qu’une analyse sommaire du marché.
La tête de réseau a rapidement écarté le projet et l’a ainsi indiqué le 22 avril 2013 à Monsieur C. en écrivant « Cher Monsieur C., Nous avons lu avec beaucoup d’attention votre proposition et vous remercions de l’intérêt que vous portez à notre enseigne L. Malheureusement, nous avons le regret de ne pas pouvoir répondre favorablement à votre projet. Merci de votre attention ». Plus tard, des courriers ont été échangés entre les deux parties, la société L. continuant néanmoins de refuser le projet.
Toutefois, l’enseigne se développe au Canada en 2016, et le 7 novembre 2018 Monsieur C. assigne la tête de réseau en rupture abusive des pourparlers et en concurrence déloyale (cette seconde action étant cependant sans intérêt du fait de l’absence d’informations confidentielles dans le PowerPoint). L’un des points de tension de l’action en rupture abusive des pourparlers concernait notamment la prescription. A ce titre, le Tribunal de Commerce de Lille-Métropole estime que « le point de départ de la prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime c’est-à-dire le 22 avril 2013 », date du refus du projet par la tête de réseau.
Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence, la Cour de cassation ayant déjà indiqué que le point de départ de cette prescription court à compter du jour où l’auteur de la rupture a indiqué ne pas donner suite au projet (Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2001, n°98-14260).
Lorène Murat, Stagiaire, Simon Associés
Pour aller plus loin : Cour de cassation,chambre commerciale, 9 janvier 2001, n°98-14260 / Voir aussi : Cour d’appel de Caen, 19 janv. 2017, n° 15/01510 / F.L. Simon, De la bonne foi et de la loyauté au stade précontractuel dans les relations franchiseur-franchisé – Réforme du droit des contrats, Lettre des réseaux (novembre-décembre 2017).