Benoit Hamon : «Nous légiférerons sur les contrats de franchise»
Conférence de presse donnée par Benoit HAMON ce lundi 10 septembre 2012....
Ce lundi 10 septembre, en marge de la présentation du rapport relatif à « La protection du consommateur : rationalité limitée et régulation » par le Conseil d’Analyse Économique (CAE), le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, Benoît Hamon, a annoncé le vote prochain d'une loi cadre sur la consommation qui aura des incidences notamment sur les contrats de franchise.
A la fin de l'ancienne législature, la loi Lefebvre avait laissé un goût d'inachevé. Si ce projet qui visait une réforme en profondeur de la loi sur la consommation n'a pas pu, faute de temps être voté par l'ancienne majorité, le travail parlementaire engagé dans le cadre de l'examen de cette loi au Sénat (de gauche pour le coup) n'est pas resté lettre morte.
Et en effet, ce lundi 10 septembre, lors d'un point presse, Benoit Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation s'est montré très clair : La loi « Hamon » qui devrait être votée au printemps prochain reprendra de nombreux articles de la loi Lefebvre, et notamment ceux « avec les amendements apportés par le Sénat».
Autrement dit, la loi Lefebvre loin d'être enterrée devrait servir de socle à la future loi « Hamon ». Cela implique notamment que parmi les articles conservés, il se trouve celui concernant les contrats d’affiliation entre réseaux d’enseignes et magasins indépendants. Cet article, qui avait fait grand bruit dans le clan des franchiseurs en 2011 revient donc sur le devant de la scène. « J’ai reçu les enseignes du commerce associé et je comprends bien que ces réseaux veulent conserver leur parc de magasins, mais nous légiférons dans ce domaine », a indiqué le ministre.
Pour mémoire, l’article 1 du projet de loi Lefebvre, voté en première lecture par l'Assemblée nationale cherchait à améliorer la concurrence dans la distribution alimentaire. Il instituait notamment une durée maximale de 6 ans de toutes les conventions d'affiliation du secteur et supprimait toute possibilité de renouvellement par tacite reconduction. En outre, il interdisait tout droit de préemption ou de préférence pour les têtes de réseau en cas de cession de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce de l’affilié ou du fonds de commerce lui-même. L’information précontractuelle de l’affilié était également renforcée en imposant la transmission au commerçant d’un projet de convention au moins deux mois avant sa signature.
L'hypothèse d'actions collectives à l'étude
En attendant les termes précis de la nouvelle loi qui devrait changer la donne en franchise, il est intéressant de se pencher sur les propositions du Conseil d'Analyse Economique (CAE) exposées justement ce matin aux ministres de l'économie, Pierre Moscovici, et de la consommation, Benoit Hamon.
Selon Pierre Moscovici ce rapport est une « première étape de la réflexion dans la construction du futur projet de loi consommation ». Et parmi les propositions exposées, il en est une qui pourrait bien elle aussi révolutionner les métiers de la distribution : la création d'un dispositif visant à rendre possible les actions de groupe. Ce nouveau dispositif, sera selon Benoit Hamon un « instrument totalement nouveau » dont l'objectif est de permettre « très concrètement aux Français d'obtenir réparation d'un préjudice, même modeste ». Réclamé de longue date par les associations de consommateurs, l'action collective à la française envisagée par le Gouvernement vise à regrouper toutes les plaintes de petits montants pour obtenir des « dédommagements proportionnels aux dommages ».
Clairement, actuellement lorsqu'un client s'estime lésé par une enseigne, il est rare qu'il aille jusqu'au bout de la démarche d'une plainte, en raison principalement de la faible somme en jeu au regard des frais judiciaires à engager. Autrement dit, le commerçant se retrouve à l'abri des plaintes dans la très grande majorité des cas. Avec l'action collective, les choses changent radicalement.
Selon le rapport, deux principales solutions sont envisageables pour rendre collective une plainte : Soit les consommateurs lésés adhérent à la plainte en cours, mais cela suppose qu'ils soient informés qu'une plainte collective est déposée, soit tous les consommateurs d'une entreprise mise en cause sont automatiquement considérés comme plaignants, et charge aux consommateurs qui ne souhaiteraient pas poursuivre de se manifester.
Selon Benoit Hamon, « deux filtres au moins sont nécessaires, d'abord celui des associations de consommateurs, pour ne pas répéter des procédures » et celui du « juge, qui décidera de qualifier une procédure comme recevable ou pas ». En l'état actuel, les choix encore ouverts devraient être fixés après une période de concertation. « Le but » selon Benoit Hamon « c'est d'en faire un instrument dissuasif qui permette de restaurer la confiance des consommateurs dans l'entreprise ».
Le ministre, au cours du point presse de ce matin a également évoqué le renforcement de la Loi Lagarde. Les termes de cette refonte seront définis en fonction des conclusions du rapport d'évaluation de la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) et du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), attendues fin septembre. Le renforcement du dispositif de protection des consommateurs pourrait passer par le découplage des cartes de fidélité et des crédits renouvelables. « A priori, il y aura un encadrement supplémentaire du crédit renouvelable, sauf si l'évaluation dont je disposerai justifie de la mise à l'écart définitive de ce produit-là ».
Les autres propositions du rapport CAE
« Selon une étude de la Commission européenne, près de 40 % des consommateurs français s’estiment très mal ou mal protégés » rappellent en préambule, les auteurs du rapport relatif à « La protection du consommateur : rationalité limitée et régulation », Xavier Gabaix, Augustin Landier et David Thesmar. « Appréhender l’efficacité des dispositifs de protection du consommateur s’avère donc un enjeu social d’un intérêt central. »
Concrètement, le rapport dresse un bilan peu flatteur de la situation actuelle : « Cette contribution montre que les marchés s’avèrent inaptes à protéger efficacement les consommateurs ». Et pour remédier à cet état de fait, le rapport formule six propositions (dont celle de l'action collective) visant à améliorer la protection des consommateurs en agissant sur trois principaux leviers : faciliter le choix des consommateurs, favoriser leur mobilité effective et accentuer les sanctions susceptibles de pénaliser les entreprises déviantes.
Ces six principales propositions du rapport portent essentiellement sur l'organisation de la diffusion d'informations vers le consommateur et de la remontée d'informations du consommateur vers la DGCCRF :
- Proposition 1: Une meilleure diffusion de l'information sur les entreprises déviantes : L’information rendue publique par la DGCCRF devrait, idéalement, être détaillée par secteurs d'activités et secteurs géographiques fins, pour mieux « détecter des tendances ou des ruptures. Ces informations seraient utiles pour les consommateurs mais aussi simplifieraient les procédures de détection des fraudes en interne, à la manière des données de pharmacovigilance ». De plus, l’information disponible ne doit pas se limiter aux plaintes, mais doit aussi comprendre les sanctions décidées par la DGCCRF (poursuite en justice, amende, etc.). « Ces sanctions sont la mesure effective des comportements frauduleux (sectoriels, individuels), et de l’action entreprise par l’État pour y remédier. » Une publication des données entreprise par entreprise, avec un délai de latence de six mois devrait être envisagée, de manière à limiter les possibilités de manipulation.
- Proposition 2 : La création d'une plate-forme de rating : A l'image des plate-formes de la vente en ligne, les consommateurs pourraient faire des commentaires et donner des notes « reflétant leur expérience de consommateur sur chaque produit ou service spécifique ». L'identification passerait par le renseignement de données personnelles non rendues publiques. Au choix, en cochant une case spécifique, les clients pourraient « faire de leur commentaire une plainte officielle ».
- Proposition 3 : Une option par défaut à minima pour les contrats d'épargne salariale : Les organismes de gestion de l’épargne salariale doivent être contraints de proposer, dans leur menu d’options, une option par défaut qui devrait satisfaire aux contraintes suivantes : frais faible, risque modéré, rendement (net de frais) maximal étant donné ce risque. « Cette option doit être définie de manière centralisée et proposée par tous les FCPE. Elle constitue l’option par défaut, à moins que le salarié n’en choisisse une autre. »
- Proposition 4 : Obligation de fourniture d'un historique client : Pour mieux comparer les offres et établir des devis au plus proche de la réalité, le CAE propose d'exiger que « les consommateurs aient le droit d’obtenir de leur fournisseur gratuitement et dans un format standardisé l’historique de leur consommation et facturation (notamment dans le domaine de la téléphonie, de l’Internet, de l’énergie et des services fifinanciers). Afin que des entreprises concurrentes ou des intermédiaires puissent informer le consommateur sur ses alternatives, ces fichiers doivent pouvoir être téléchargés par des tiers à qui le consommateur en donne le droit. »
- Proposition 5 : Pour des sanctions administratives élevées : Pour être vraiment dissuasive, la DGCCRF doit pouvoir prononcer des sanctions administratives élevées. La limite pourrait être fixée de manière absolue (par exemple, 100 000 euros) ou en proportion du chiffre d’affaires de l’entreprise (par exemple, 10 % du chiffre d’affaires), ce qui assurerait que l’amende soit soutenable pour l’entreprise, tout en étant dissuasive.
- Proposition 6 : Mise en place d'un mécanisme d’action collective en France : . Afin de résoudre le problème d’action collective inhérent à ce type d’action, le nouveau dispositif doit proposer un coût de participation faible pour les plaignants : « cela implique de retenir, soit la logique d’opt-out, soit celle d’opt-in avec publicité par courrier et voie de presse ». De plus, « il faut éviter de donner une rente trop importante aux intermédiaires que représenteraient les associations agréées ». Cela implique que le dispositif doit « permettre la constitution d’associations ad hoc afin de mener l’action de groupe, potentiellement en étroite liaison avec les associations de consommateurs».
Dominique André-Chaigneau, Toute la Franchise©