Implantation d’un nouveau franchisé proche d’un point de vente déjà existant : un franchiseur condamné pour abus de droits
L’avocat Jean-Baptiste Gouache revient sur une récente décision du tribunal de commerce de Nanterre, concernant l’implantation d’un nouveau franchisé à proximité d’un autre franchisé déjà en place.
Un franchiseur peut être condamné pour avoir autorisé l’ouverture d’un point de vente proche de celui d’un franchisé en place, alors que ce dernier ne jouissait d’aucune exclusivité territoriale.
Un franchisé qui ne bénéficiait d’aucune exclusivité territoriale aux termes de son contrat reprochait néanmoins au franchiseur d’avoir signé un contrat avec un tiers pour l’exploitation de la franchise à partir d’une adresse proche. Il estimait que ce fait constituait un abus du droit du franchiseur de consentir une implantation proche à un autre franchisé et une exécution de mauvaise foi des termes du contrat.
Le tribunal de commerce de Nanterre (9 mai 2014-05-22 - Affaire n°2014F00145) a estimé que : « si en l’absence d’une clause d’exclusivité territoriale, le fait par un franchiseur de causer à son franchisé un préjudice concurrentiel n’est pas en lui-même illicite, il n’en est pas de même en cas d’abus par le franchiseur de l’exercice de ses droits ».
En l’espèce l’abus a été caractérisé. Il a notamment été relevé que le franchiseur avait reconnu par écrit dans l’état du marché local adressé au franchisé demandeur, que la zone de chalandise du franchisé était difficile. En outre, il a été fait grief au franchiseur de ne pas avoir informé le franchisé demandeur à l’action préalablement à la signature du nouveau contrat de franchise.
Le tribunal juge retient donc une faute contractuelle résidant dans un abus de droit et une méconnaissance de l’obligation pour tout franchiseur d’exécuter le contrat de franchise de bonne foi, et dans l’intérêt commun des parties.
Cette décision est sévère pour le franchiseur dès lors qu’aucune obligation d’exclusivité n’était à sa charge. L’application de la notion d’abus de droit à un contrat, et à un contrat de franchise, est pour autant classique. L’abus repose ici sur une notion économique liée à l’appréciation faite par le franchiseur de la qualité de la zone de chalandise du franchisé, qu’il avait lui-même qualifié de difficile. Ce faisant, il n’y avait qu’un pas, que le juge a fait, pour estimer que l’ouverture d’un autre point de vente franchisé à proximité du premier risquait de mettre nécessairement celui-ci en difficulté. Ce critère caractérise ici l’abus.
A noter que le fait qu’il est fait grief au franchiseur de n’avoir pas pris le soin d’informer son contractant de ses intentions. La mauvaise foi réside notamment dans ce défaut d’information. Les tribunaux sont très sensibles au comportement contractuel des parties : un franchiseur doit dire ce qu’il fait et faire ce qu’il dit. Il n’est pas pour autant certain que le tribunal aurait écarté l’abus de droit si le franchiseur avait préalablement informé le juge de son intention d’ouvrir un nouveau point de vente franchisé.
Jean-Baptiste Gouache
Avocat – Associé (Gouache Avocats) Membre du collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise