Crédits bancaires : les entreprises ne sont pas rationnées !
Début 2014, et malgré la crise, l’encours de crédits reste en France supérieur à celui de fin 2008
En novembre dernier, l'Insee publiait dans la collection Références les résultats de l'édition 2014 de son étude « Les entreprises en France ». Parmi les sujets abordés, l'Insee fait le point sur les évolutions en temps de crise de l'accès aux crédits bancaires.
Depuis 2008, selon l'Insee, « l’évolution des crédits aux sociétés non financières (SNF) est restée assez favorable malgré la diminution ponctuelle du montant de leurs encours de crédit entre la fin de l’année 2009 et le début de l’année 2010 ». Contrairement donc à une idée reçue, les entreprises continuent de contracter des crédits. Certes, comme le souligne l'Insee, « la croissance de ces encours est plus faible, passant de 4,4% en glissement annuel à fin 2011, à + 1,0% en 2012 et à + 0,2% en 2013 », mais force est de constater que cette évolution reste positive en France. |
Bien évidemment, ces chiffres globaux cachent de fortes disparités selon la catégorie d'entreprise. Dans le détail, « de façon a priori surprenante, le crédit aux microentreprises (et aux entreprises de l’immobilier) a évolué de manière plus favorable que le crédit aux autres PME ». Côté PME, depuis 2011, l'évolution des encours est peu dynamique. Les holdings ont également vu leurs encours fortement baisser depuis 2008. De grandes disparités sont aussi relevées par l'Insee selon la nature des crédits.
Ainsi, en 2013, « la contraction des crédits de trésorerie s’est accentuée, avec une diminution de 4,9% » tandis que les crédits à l'investissement poursuivaient légèrement (+ 2,1% en 2013). « Ces évolutions résultent a priori de la combinaison des effets de demande de la part des entreprises et des effets d’offre de crédit de la part des établissements financiers. »
Beaucoup d'offres, peu de demandes
L'Insee note globalement pour ces dernières années « une faible demande globale de crédit et une offre de crédit relativement abondante ». Dans le détail, selon les chiffres de la Banque de France, chaque trimestre, moins d’un quart des PME demande des nouveaux crédits. « Fin 2013, seules 23% des PME ont sollicité de nouveaux crédits (hors tirage sur les lignes de crédit). » Autres chiffres étonnants, depuis 2012, chaque trimestre, tous crédits confondus, plus de huit PME sur dix obtiennent totalement ou en grande partie (à plus de 75%) ce qu’elles ont demandé. Selon l'Insee, « seules les PME souffrant d’une situation financière très dégradée, se traduisant par une mauvaise cotation de la Banque de France et, dans une moindre mesure, les jeunes entreprises et les très petites entreprises ont pu rencontrer de réelles difficultés d’accès au crédit bancaire depuis 2008. »
Autrement dit, « l’immense majorité des PME n’a pas souffert de fortes restrictions de crédit. » La stagnation de la croissance des encours de crédit tient donc essentiellement à la faiblesse de la demande de crédit, notamment en matière de crédits d’investissement. « Ce constat se retrouve également dans les enquêtes réalisées auprès des PME par BpiFrance. »
Le financement n'inquiète pas les PME
Curieusement, « les difficultés principales auxquelles se heurtent les entreprises ne sont pas celles de l’accès au crédit bancaire ». En effet, selon une enquête de la banque centrale européenne sur l’accès des PME au financement dans la zone Euro, « l’accès au financement demeure une préoccupation significative pour les PME de la zone Euro (14%) » mais cette difficulté est largement devancée par la recherche de clients (24%) et les coûts de production et de main-d’œuvre (15%). En France, les mêmes résultats sont quasi récoltés : « les deux principales difficultés mentionnées par les PME sont de trouver des consommateurs et de maîtriser les coûts de production, avec pour chacune 19% des PME concernées. L’accès au financement arrive en quatrième position (13% des PME) après les difficultés liées à la réglementation (17%). »
Les autres enseignements de l'enquête entreprise de l'Insee
Outre le financement et le recours au crédit bancaire, l'enquête « Les entreprises en France » de l'Insee fait le point sur :
- Les délais de paiement entre entreprises : En 2012, dans les secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers, le délai de paiement clients est de 43,1 jours de chiffre d’affaires et le délai paiement fournisseurs est de 54,6 jours d’achats. Le solde commercial net (ou solde du crédit interentreprises) se situe à 2,8 jours de chiffre d’affaires. Derrière ces moyennes se cachent une très grande hétérogénéité des pratiques. Ainsi, « la moitié des entreprises du champ ont un délai clients inférieur à 13 jours, plus d’un quart affichent un délai clients nul et un quart sont confrontées à un délai clients supérieur à 55 jours. » Pourquoi de tels écarts ? L'Insee explique : « Les délais de paiement clients dépendent en effet fortement du type de clientèle. » Ainsi, pour les trois quarts des entreprises ayant pour clients des particuliers (B to C), le délai est court (inférieur à 7,8 jours), « ce qui n’est le cas que d’un quart des entreprises vendant à d’autres entreprises ». Concernant les délais fournisseurs, « la moitié des entreprises ont des délais fournisseurs inférieurs à 38 jours, tandis que pour un quart, ces délais sont supérieurs à 69 jours. »
- L’importance et les effets des aides à la R&D pour les petites entreprises : Entre 2003 et 2010, le montant des aides publiques servant à financer la recherche & développement « de l’ensemble des entreprises est passé de 3,1 à 7,7 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 150%. » Ce bonus a surtout intéressé les PME. « Entre 2003 et 2010, les aides à la R&D des PME ont progressé de 300%, de 0,5 à près de 2 milliards d’euros, dont près de 500 millions d’euros pour les TPE. » Globalement, les TPE et les PME (hors TPE) bénéficient des taux d’aide à la R&D les plus élevés : respectivement 50% et 40% (36% pour les entreprises de taille intermédiaire et 34% pour les grandes entreprises).
- Le positionnement des entreprises françaises dans la mondialisation : Les firmes multinationales en France réalisent l’essentiel des échanges, la moitié de la valeur ajoutée et de l’emploi, et les deux tiers de l’excédent brut d’exploitation. « Les filiales des firmes multinationales installées sur le territoire national effectuent 86% du total des exportations de biens et services des entreprises en 2011 et pèsent de manière équivalente dans les importations. » Plus de la moitié de la valeur ajoutée et de l’emploi en France, et près des 2/3 de l’excédent brut d’exploitation dépendent directement de firmes multinationales installées sur le territoire, ceci sans prendre en compte leur impact sur la sous-traitance dans les sociétés franco-françaises. « Les grandes entreprises pèsent pour 83% de l’emploi à l’étranger des firmes multinationales sous contrôle français ». La moitié de ces grandes entreprises sont implantées dans au moins 19 pays, « avec une présence commerciale plus marquée dans les pays développés (Union Européenne à 15, États-Unis, Suisse, Japon, etc), tandis que leur présence productive est plus forte que leur présence commerciale dans les nouveaux États membres de l’Union Européenne et les pays en développement (Chine, Brésil, etc). »