[DOSSIER SPECIAL] Le Made in France, un pur argument marketing ?
Les produits estampillés made in France sont ils réellement fabriqués en France ?
Dans un monde soumis au dictat de la rentabilité et de la mondialisation, le strictement français ne serait-il pas un leurre ? La est toute la question. Et les consommateurs ne sont pas dupes. Ce qui est étiqueté Made in France n'est pas forcément fait en France, tout le monde le sait bien. En témoignent les célèbres jouets en bois du Jura fabriqués massivement en dehors de nos frontières, mais aussi, et c'est là un comble, les produits textiles Armor Lux, dont la célèbre marinière si chère au cœur de Montebourg, fabriqués en Tunisie. Dans le secteur automobile aussi, techniquement, les Toyota fabriquées à Onnaing seraient plus françaises que certaines Renault et Peugeot... Que reste-t-il dès lors de vraiment français dans tout cela ? Pas grand chose, ou plutôt de grands doutes...
Une situation qui se comprend d 'ailleurs quand on sait que d'un point de vue strictement règlementaire, le Made in France n'a pas vraiment de fondement. Ainsi, comme on peut le lire sur le site des Douanes Françaises : « Aucune disposition nationale ou communautaire n’impose l’apposition d’un marquage d’origine sur les produits fabriqués dans l'Union européenne ou importés, sauf exception (certains produits alimentaires ou agricoles…). » Autrement dit, l'indication d'origine d'un produit relève d'une démarche volontaire pour mieux laisser libre la circulation des marchandises dans le cadre de l'origine non préférentielle. Voilà qui déjà laisse la porte ouverte à bien des dérives.
Plus loin, les douanes précisent : « Toutefois, à partir du moment où le professionnel choisit d’apposer sur un produit une mention de ce type, elle doit pouvoir être justifiée. Le code de la consommation permet de réprimer les fausses indications de l’origine, afin d’éviter le risque d’induire en erreur le consommateur sur l’origine véritable par utilisation d’une marque, signe, indication quelconque de nature à laisser croire à une origine différente de l’origine réelle, en application des articles suivants du code de la consommation :
- l’article L.121-1 qui prohibe, notamment, les pratiques commerciales trompeuses sur l’origine ;
- l’article L.213-1 qui prohibe, notamment, la tromperie sur l’origine ;
- l’article L. 217-6 qui réprime le fait d’apposer un signe quelconque de nature à faire croire qu’un produit a une origine différente de sa véritable origine française ou étrangère et - l’article L. 217-7 qui réprime le fait de faire croire par tout moyen à l’origine française de produits étrangers ou pour tous produits à une origine différente de leur véritable origine française ou étrangère. » Clair comme de l'eau de roche n'est-ce pas !
Outre ces premières limitations, l'article 24 du Code des douanes communautaires précise : « Une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays, est originaire du pays ou a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important. »
Et pour compliquer encore un peu plus les choses, et sachant qu'il n'est pas toujours facile de déterminer si les critères d'origine précédents sont satisfaits, des règles spécifiques viennent s'appliquer, au cas par cas, à certains produits (annexes 9 à 11 du DAC). Ainsi, pour les vêtements et accessoires du vêtement en bonneterie l'apposition d'une étiquette Made in France nécessite « une confection complète en France ou un équivalent » (annexe 10). Pour les chaussures, la règle est la « Fabrication à partir de matière de toute position, à l'exclusion des assemblages formés de dessus de chaussures fixés aux semelles premières (…) » (annexe 11). Pour les appareils récepteurs de télévision , la règle est de justifier d'une « Fabrication dans le cas où la valeur acquise du fait des opérations de montage et, éventuellement, de l'incorporation de pièces originaires représente au moins 45 % du prix départ usine des appareils » (annexe 11). Sachant que tous les produits ne peuvent être listés, de nombreux objets se retrouvent dans un vide juridique. Une situation qui bien évidemment n'arrange pas le consommateur...
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Dominique André-Chaigneau, Toute La Franchise ©