Rupture d’un contrat de distribution : l’octroi d’un préavis disqualifie-t-il la faute grave ?
La Cour de cassation estime qu’une faute suffisamment grave n’exclut pas l’octroi d’un préavis
Fanny Roy, avocate associée du cabinet Piot-Mouny & Roy, revient sur un récent arrêt de la Cour de cassation qui pourrait faire jurisprudence dans le cadre d’une rupture de relation commerciale pour faute grave assortie d’un préavis.
Cette décision de la Cour de cassation intervient dans le cadre d’une affaire opposant un fournisseur de produits cosmétiques à un de ses distributeurs. Le fournisseur a souhaité arrêter sa relation commerciale avec le distributeur au motif que ce dernier était défaillant dans la gestion de ses stocks. Au titre de l’historique d’une relation de plus de 14 ans, le fournisseur n’avait cependant pas choisi de prononcer une résiliation immédiate pour faute grave mais un non-renouvellement du contrat à échéance, octroyant ainsi à son distributeur un délai de cinq mois.
Ce dernier a dénoncé une rupture brutale de la relation commerciale, jugeant le préavis de cinq mois trop court au regard de la durée de la relation commerciale. Le fournisseur a alors évoqué la gravité des fautes reprochées qui lui aurait permis de n’accorder aucun préavis. La cour d’appel va cependant donner raison au distributeur qui avait été débouté en première instance, estimant que la justification d’une rupture immédiate sans préavis aurait dû être faite par le fournisseur au moment de la notification de la rupture. Elle juge donc que la relation commerciale avait été rompue brutalement, considérant le délai de cinq mois insuffisant.
Saisie, la Cour de cassation va émettre un autre avis* en considérant l’octroi d’un préavis sans intérêt dans cette décision. « La Cour de cassation saisie opère, semble-t-il, un revirement puisqu’elle juge que la seule considération de l’octroi d’un préavis est sans intérêt, dès lors que même en présence de manquements d’une partie suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate d’une relation commerciale, il est toujours loisible à l’autre partie de lui accorder un préavis », détaille Fanny Roy avant d’ajouter que la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir cherché à savoir si les fautes évoquées étaient suffisamment graves pour justifier une rupture immédiate de la relation commerciale.
Le fait d’octroyer un préavis, même en présence d’une faute grave, ne semble pas disqualifier la qualification de faute grave
« En conséquence, le fait d’octroyer un préavis, même en présence d’une faute grave, ne semble pas disqualifier la qualification de faute grave », conclut l’avocate tout en précisant que « l’arrêt est inédit et mérite une confirmation avant que l’on puisse rompre une relation commerciale pour faute grave tout en laissant un préavis ».
Les autres vidéos de Fanny Roy :
- Rupture du contrat de franchise par le franchisé : attention aux clauses d'approvisionnement exclusif
- Peut-on poursuivre l’exploitation de son activité à l’issue de son contrat de franchise ?
- La création d’un site de vente en ligne par un franchiseur est-elle une violation de l'exclusivité territoriale des franchisés ?
- Document d’Information Précontractuelle non sincère : les sanctions financières peuvent être lourdes
- Quels sont les atouts du corner shop : une enseigne chez une autre enseigne ?
Voir l’arrêt de la Cour de cassation, 14 octobre 2020 18-22.119 sur Legifrance