La Grande Récré : King Jouet et JouéClub en lice pour le rachat
Quel avenir pour La Grande Récré et Ludendo après son placement en liquidation judiciaire ?
Sur le tumultueux marché du jouet, Ludendo Entreprises, maison mère de La Grande Récré, est confrontée à des défis de taille ces dernières années. Acteur historique dans le paysage français du jouet, l’entreprise a été mise à mal par de mauvais choix stratégiques et notamment une mauvaise anticipation de la concurrence d’internet. Placé en redressement judiciaire en 2018, le groupe est reparti de l’avant en appliquant un plan de continuation drastique et en accueillant un nouvel actionnaire, la Financière Immobilière Bordelaise (FIB).
Cependant, la récente débâcle financière de cet actionnaire vient, à nouveau, de placer le groupe dans une situation délicate. Pour la deuxième fois en cinq ans, le groupe Ludendo a été contraint de demander l’ouverture d’une procédure auprès du tribunal de commerce de Paris. Placé en liquidation judiciaire avec maintien et poursuite de l’activité, La Grande Récré cherche donc de nouveaux repreneurs. Deux de ses concurrents majeurs, King Jouet et JouéClub, se sont notamment manifestés.
Ludendo, un groupe en difficulté depuis 10 ans
Un premier placement en redressement judiciaire en 2018
Depuis le milieu des années 2010, Ludendo Entreprises, propriétaire de l'enseigne de jouets La Grande Récré, traverse une période compliquée. Le groupe a mal anticipé l’évolution concurrentielle du marché du jouet, et notamment les effets de la concurrence des ventes en ligne. Ajouté à cela, un développement hasardeux avec des acquisitions peu pertinentes et des déboires financiers l’ont contraint à une restructuration forcée.
Dès 2015, le groupe Lundedo s’est engagé dans un vaste plan de transformation, comprenant la cession de plusieurs actifs, la fermeture d’une cinquantaine de magasins et le passage progressif de ses succursales en franchise. Cependant, la dette du groupe est trop lourde et l’empêche de faire les investissements nécessaires pour adapter le concept de La Grande Récré, son enseigne historique, aux nouvelles habitudes de consommation. En mars 2018, le groupe est placé en redressement judiciaire.
En octobre 2018, le Tribunal de commerce de Paris se positionne en faveur du plan de continuation présenté par Jean-Michel Grunberg, PDG du groupe. Cela comprend notamment au capital du groupe Ludendo de la Financière immobilière bordelaise (FIB) de Michel Ohayon. Le groupe Ludendo entend se recentrer sur le marché français en se séparant de ses filiales non rentables en Belgique, Suisse et Espagne. En France, le groupe se sépare également de plus d’un tiers de ses magasins en succursale. L’application de ce plan rigoureux permet à Ludendo et à La Grande Récré de retrouver une situation financière saine et à repartir de l’avant.
L'effondrement financier de la galaxie Ohayon
Mais les récents déboires de la FIB, placé en redressement judiciaire en février 2023, ont de nouveau mis le groupe Lundendo dans une situation délicate, le contraignant à trouver de nouveaux investisseurs pour remplacer cet actionnaire majoritaire défaillant. Le groupe a ouvert fin avril une procédure auprès du tribunal de commerce de Paris qui a prononcé une liquidation judiciaire avec maintien et poursuite de l’activité.
Michel Ohayon est un homme d'affaires qui a fait fortune dans l’immobilier commercial et l’hôtellerie avant de s’intéresser au commerce de détail. Dans les années 1990, il crée la Financière immobilière bordelaise (FIB) pour gérer ses activités d’immobilier commercial. Le groupe Hermione People & Brands (HPB) est quant à lui créé en 2018. Il n’est pas détenu directement par Michel Ohayon mais par ses enfants et la FIB n’en est qu’actionnaire minoritaire. HPB gère les activités de commerce de détail de la famille Ohayon et va enchainer les opérations d’acquisition d’entreprises en difficulté. En 2018, le groupe reprend la franchise de 22 magasins Galeries Lafayette. En 2020, HPB fait l’acquisition de Camaïeu, de Gap France puis de Go Sport à qui il revend Gap France.
Cette stratégie d’acquisitions va commencer à poser problème en 2022. La liquidation judiciaire de Camaïeu, fin 2022, suivie du redressement judiciaire de Go Sport en 2023, mettent en lumière les problèmes financiers de la FIB et de HPB. Ces difficultés ont conduit au placement en redressement judiciaire de plusieurs entités de la galaxie Ohayon, y compris la FIB.
Quel avenir pour La Grande Récré ?
Contrairement à Camaïeu ou Go Sport, La Grande Récré n’était pas rattachée à HPB mais directement à la FIB. Cela n’empêche que pour faire face à la défaillance de son actionnaire majoritaire, le groupe est désormais lui aussi en recherche de nouveaux investisseurs.
Alors que la maison mère de La Grande Récré, Ludendo Entreprises, a été placée en liquidation le 27 avril dernier, le tribunal de commerce de Paris a permis la continuation de l'activité, ouvrant la voie à la recherche de nouveaux investisseurs. Cette décision exceptionnelle s’apparente à un redressement dans le sens où elle permet la poursuite d’activité tout en écrasant la dette. Elle est cependant limitée à une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. C’est-à-dire que le groupe dispose au maximum de six mois pour trouver un repreneur. La bonne nouvelle c’est que, contrairement à Camaïeu, plusieurs repreneurs se sont déjà manifestés. Parmi eux, deux concurrents directs, King Jouet et JouéClub.
La Grande Récré pourrait intégrer le réseau King Jouet...
Sur un marché du jouet tendu, marqué par une baisse des ventes et des coûts d'exploitation en forte hausse, King Jouet a démontré la pertinence de son modèle en enregistrant une croissance de 9% sur les trois dernières années. L’enseigne a parfaitement su prendre le virage du digital, et ce, dès le début des années 2000. Après avoir sauvé Maxi Toys de la faillite en 2020, le groupe pourrait en faire de même avec La Grande Récré. Il a déposé une première offre prévoyant la reprise de la moitié des 97 succursales de La Grande Récré, ainsi que possiblement des corners de l'enseigne chez Total et Casino. Cependant, suite à l’offre concurrente de JouéClub, cette proposition est en cours de révision pour être élargie.
...ou rejoindre la coopérative JouéClub
JouéClub s’est en effet récemment positionné avec une offre comprenant la reprise de 90% des points de vente de la Grande Récré et de leurs salariés, ainsi que l’ensemble des contrats de franchise en France et à l'international mais aussi des corners implantés chez Total, Casino ou encore Le Club Med. JouéClub s’engage également à conserver 100% emplois du siège actuel de La Grande Récré qui resterait dans ses locaux de Marne la Vallée. « Au total, ce sont plus de 1.000 emplois qui seront sauvegardés », précise Jacques Baudoz, président du groupement JouéClub. Enfin, contrairement à l’offre King Jouet qui prévoit d’intégrer les magasins La Grande Récré à son propre parc, JouéClub prévoit de conserver la marque La Grande Récré.
Les deux réseaux disposent d’un parc de taille similaire, de 310 magasins (dont 90 franchisés) pour King Jouet et de 290 magasins pour JouéClub. En revanche, King Jouet se développe en succursales et en franchise quand JouéClub adopte un modèle coopératif. L’offre JouéClub prévoit d’ailleurs la création d’une société distincte, détenue par la coopérative, pour gérer les succursales de La Grande Récré avec ses équipes actuelles.
D’autres potentiels repreneurs ont également manifesté leur intérêt et le tribunal statuera sur ces différentes offres de reprise de la Grande Récré le 22 mai prochain et rendra sa décision le 9 juin.