Le commerce de centre-ville, en chiffres et tendances
Les données du baromètre Centre-ville en mouvement
Après avoir été peu à peu délaissés pendant des décennies, les centres-villes semblent retrouver une place de plus en plus grande dans le cœur des consommateurs et des citoyens. Et ce, depuis 2010 environ. Depuis 2016, l’association Centre Ville en Mouvement réalise un Baromètre du Centre-Ville et des Commerces pour nourrir notamment les débats des Assises Nationales du Centre-Ville. Focus sur les résultats de ce baromètre pour les années 2019 et 2020, toutes deux frappées par des événements : les « gilets jaunes » d’un côté, le Covid-19 de l’autre.
Centre Ville en Mouvement et son Baromètre
Centre Ville en Mouvement est une association d’élus et de parlementaires fondée au début des années 2000 pour travailler sur le renouveau des cœurs de villes.
Développement et mise en place d’innovations et d’expérimentations, développement durable, suivi des actions, formation des futurs managers et développeurs de centre-ville, réflexions stratégiques, etc. : à la fois think tank et lobby, l’association a véritablement vocation à permettre le développement des centres-villes.
Pour mener à bien sa mission, l’association a mis en place en 2016 le Baromètre du Centre-Ville et des Commerces, notamment pour nourrir les Assises Nationales du Centre-Ville. Réalisé en partenariat avec l’institut CSA et Clear Channel, ce baromètre permet de créer une base unique de données pour suivre les tendances et les attentes des consommateurs.
Le Baromètre du Centre-Ville et des Commerces 2019
Fréquentation et attachement en hausse
Fin 2018, la France était secouée par le mouvement dit « des Gilets Jaunes ». Blocages, manifestations, saccages : la quasi-totalité des petites villes et villes moyennes ont été touchées par ce mouvement de colère, au détriment notamment des commerces.
Pourtant, selon le Baromètre du Centre-Ville et des Commerces réalisé en mai 2019 sur un échantillon de plus de 1.000 personnes de plus de 18 ans représentatives de la population française, la fréquentation des centres-villes retrouvait sa vitesse de croisière et enregistrait même une hausse.
Ainsi, en 2019, 78% des Français déclaraient fréquenter leur centre-ville au moins 1 fois par semaine, un chiffre en hausse de 5 points par rapport à 2018. Autre donnée intéressante, 33% des 18-24 ans déclaraient y aller de plus en plus.
Mais surtout, c’est l’attachement aux centres-villes qui a connu une nette progression en 2019, peut-être finalement grâce au mouvement des « Gilets Jaunes ». Ainsi, 72% des Français se disaient fortement attachés à leur centre-ville, contre seulement 58% en 2018. Dans le détail, c’est chez les 18-24 ans que la progression est la plus forte : ils sont passés de 55% à 77% à affirmer leur attachement.
Toutefois, l’édition 2019 du Baromètre a également révélé les inquiétudes d’une partie des Français quant à leurs centres-villes. 44% d’entre eux ont en effet considéré leur centre-ville comme en déclin au cours des 10 mois précédant l’enquête. Un sentiment encore plus marqué chez les plus de 35 ans (47%), les communes rurales (59%) et les communes de moins de 100.000 habitants de province (53%).
A contrario, 43% des 18-24 ans considéraient leur centre-ville comme « en développement », un sentiment assez partagé par les CPS+ (32%) et dans les communes de plus de 100.000 habitants (35%).
Les commerces au cœur des centres-villes
Il est intéressant de noter qu’à la question « Quels sont les acteurs les plus légitimes pour agir sur la modernisation des centres-villes ? », si les maires et le conseil municipal arrivent en tête des réponses (71%), les commerces arrivent juste derrière, à 26%.
Une importance des commerces que l’on retrouve dans les priorités des Français pour les municipales de 2020 : la dynamisation des commerces était ainsi le 3ème sujet le plus important pour les sondés. D’ailleurs, quand on leur demande ce qu’ils attendent en priorité d’un centre-ville, ils sont 23% à demander des commerces, alimentaires et spécialisés.
Enfin, 78% des sondés annoncent privilégier les commerces de centre-ville pour retrouver des proches, 75% pour flâner et passer du temps libre. Des réponses en accord avec une fréquentation en hausse des commerces de centre-ville, des marchés et des halles gourmandes.
Le Baromètre du Centre-Ville et des Commerces 2020
Un centre-ville à l’ombre du Covid
Réalisé à l’automne 2020, le Baromètre 2020 du Centre-Ville et des Commerces ne peut évidemment faire l’impasse sur l’impact du Covid-19, non seulement sur la vie des centres-villes, mais aussi sur les attentes des Français.
Ainsi, l’étude commence par le constat que les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir s’installer dans une ville moyenne (voir sur la question notre article : Villes moyennes : nouveaux centres de la France de demain ?). De fait, 54% des répondants souhaiteraient, dans un futur proche, habiter dans une petite ville de moins de 20.000 habitants et 34% dans une ville moyenne de moins de 100.000 habitants.
Ainsi, l’attachement des Français à leurs centres-villes a légèrement baissé (64% seulement), sauf à Paris où l’attachement grimpe à 81%. Fait marquant : les plus jeunes sont ceux qui sont restés le plus attachés à leurs centres-villes à 73%.
De fait, si l’attachement des Français à leurs centres-villes n’a que peu baissé en 2020, concrètement, le commerce de centre-ville a, lui, sérieusement pâti du contexte sanitaire délicat.
Ainsi, comme le révèle de son côté Procos, la Fédération pour la promotion du commerce spécialisé, entre janvier et septembre 2020, en moyenne, ces derniers ont enregistré une baisse de chiffre d’affaires de 7 points par rapport à 2019. Et ce, qu’ils soient implantés en rues ou en centres commerciaux.
A contrario, sur la même période, les moyennes surfaces de périphérie, typiquement les retail parks, ont enregistré une hausse de 7 points.
Toutefois, la baisse la plus spectaculaire concerne les « grands centres-villes », ceux des métropoles telles que Paris ou Lyon, qui ont connu une baisse de fréquentation de 27%, un record.
La lumière au bout du tunnel
« Il est particulièrement notable de voir que les centres-villes de plus de 500 magasins ont décroché dès début septembre avec une fréquentation en baisse de - 24 % et continuent ensuite de décroître jusqu’à fin septembre à - 30 % », détaillent les auteurs de l’étude Procos, « Alors que les centres-villes plus petits évoluent entre - 10 et - 20 %, les tous petits (moins de 100 magasins) ayant même retrouvé une fréquentation proche de 2019 entre - 10 et - 7 %) ».
Même son de cloche du côté du Baromètre de l’association Centre Ville en Mouvement. La dynamisation des commerces de centre-ville émerge ainsi comme la priorité numéro un des sondés, qui par ailleurs plébiscitent les terrasses de café (en particulier les femmes).
D’ailleurs, 90% des répondants considèrent que faire ses achats dans un commerce de centre-ville est un acte citoyen. Et ce, plus particulièrement dans les boulangeries et boucheries-charcuteries.
Des territoires qui se clivent
Sans grande surprise, le Covid-19 a accentué un clivage qui semblait déjà se dessiner depuis quelques années : celui entre les habitants des périphéries et les habitants des Cœurs de Villes (voir également notre article sur Le Programme Action Cœur de Ville).
En effet, d’une part, l’attachement au centre-ville a baissé chez les habitants des communes périphériques mais est resté stable chez les habitants des Cœur de Ville.
D’autre part, un quart des habitants des communes périphériques plaident pour un développement des zones commerciales ; « un constat logique puisqu’ils favorisent les grandes surfaces en périphérie pour tout type d’achat », concluent les auteurs de l’étude.
Il est donc plus que jamais évident, à la lumière de ces deux derniers Baromètres du Centre-Ville et des Commerce 2019 et 2020 que la France des régions a désormais deux visages :
- Des habitants de centres-villes engagés et en quête de plus de diversité commerciale ;
- Des habitants de périphéries demandant des moyennes surfaces de périphérie, de type retail parks, pour réaliser l’ensemble de leurs achats.
Les deux types d’implantation, centre-ville et périphérie, restent donc pertinentes. Seuls les grands centres commerciaux semblent perdre de leur intérêt et de leur potentiel.