Les clauses du contrat de franchise : intuitu personae, agrément et préemption
Comment l'intuitu personae impacte la transmission et la cession des contrats de franchise
La franchise est le modèle idéal pour les entreprises qui souhaitent se développer tout en conservant une certaine maîtrise sur leur image, leur concept et leurs pratiques. Cette spécificité repose notamment sur la notion d'intuitu personae, qui fait du choix du franchisé une étape cruciale dans la constitution du réseau. En effet, la personnalité de chaque franchisé, ses compétences et ses motivations influent considérablement sur le succès du réseau dans son ensemble. Cependant, cette dimension personnelle du contrat de franchise engendre des implications juridiques complexes, particulièrement en ce qui concerne la transmission et la cession du contrat. Dans ce contexte, il est indispensable de comprendre les subtilités de l'intuitu personae et de ses répercussions, afin d'assurer la pérennité et l'intégrité du réseau de franchise. Le point avec Me Jean-Baptiste Gouache, avocat associé du cabinet Gouache Avocats.
Comprendre l'intuitu personae dans les contrats de franchise
Un contrat de franchise est conclu après un processus de sélection. Le franchiseur choisi ses franchisés en fonction de critères qu’il aura définis : compétences, expérience professionnelle, capacités financières, etc. En ce sens, un contrat de franchise est conclu en considération de la personne du cocontractant, c'est-à-dire qu’il est conclu intuitu personae. Cela entraîne des conséquences qu’il est important d’organiser contractuellement.
La réciprocité de l'intuitu personae : Implications pour le Franchiseur
Tout d’abord, il est important de préciser si cet intuitu personae est réciproque. S’il l’est et si donc il joue également pour le franchisé vis-à-vis du franchiseur, cela signifie que le franchiseur ne pourra pas céder le contrat de franchise sans l’accord du franchisé. Or, si rien n’est prévu contractuellement, les tribunaux considéreront que l’intuitu personae est réciproque. Cela aura pour conséquence de rendre plus difficile les réorganisations que souhaiterait opérer un franchiseur au sein de son groupe, et impactera la valeur du réseau pour un franchiseur qui souhaiterait le vendre à un tiers.
C’est pourquoi il est intéressant pour les franchiseurs de prévoir dans leur contrat que l’intuitu personae ne joue qu’à l’égard du franchisé et n’est pas réciproque, et de constater dès le contrat de franchise l’accord express du franchisé aux cessions de contrat que pourrait opérer le franchiseur, quelles que soient leurs formes, à charge bien sûr d’informer le franchisé de cette cession. Dans tous les cas, un tel accord n’emporte aucune modification du contrat de franchise et le cessionnaire du contrat de franchise sera tenu, sauf accord express du franchisé, de l’exécuter dans son intégralité. À défaut, il engagera sa responsabilité.
Les clauses d’agrément et de préemption
Une fois choisis, les candidats à la franchise créent très souvent des sociétés commerciales. Juridiquement, le franchisé est donc une personne morale, distincte de la personne physique qui était le candidat, dont il est possible de changer les actionnaires ou les dirigeants sans que cela ne constitue un changement de franchisé. Le contrat doit donc continuer tant que la société signataire est identique, même en cas de changement d’associés ou de dirigeants. Le candidat qui a été sélectionné, n’étant pas directement partie au contrat, n’est pas personnellement tenu par les obligations qui en découlent.
Afin d’éviter qu’en cours de contrat la société commerciale franchisée se retrouve contrôlée ou dirigée par une personne différente du candidat, les contrats de franchise prévoient habituellement plusieurs clauses. Tout d’abord, le candidat personne physique, qui sera l’associé principal et le dirigeant de la société franchisée, intervient personnellement à l’acte, en plus de la société franchisée en tant que personne morale. Ensuite, il est prévu des clauses d’agrément et de préemption au profit du franchiseur. La première interdit au franchisé de céder ou de transférer son fonds de commerce rattaché à l'enseigne sans l'accord préalable du franchiseur. La seconde permet au franchiseur d'avoir la priorité sur le rachat du fonds de commerce en cours de cession par le franchisé.
Ainsi, en cas notamment de cession du contrat, du fonds de commerce, de changement de dirigeant ou bien encore du contrôle de la société franchisée, l’accord préalable du franchiseur est requis et il a de plus la possibilité de se substituer au cessionnaire envisagé. La procédure et les modalités de mise en œuvre de ces mécanismes d’agrément et de préemption doivent être bien précisées dans la clause. Ainsi, leur étendue peut par exemple être aménagée. Il n’est pas forcément souhaitable de prévoir un mécanisme d’agrément pour toutes les cessions de parts, mais uniquement pour celles qui aboutiraient à un changement de contrôle (que la cession en elle-même porte sur un bloc de contrôle ou non).
Ainsi, le franchiseur peut s’assurer, au sein de son réseau, que les divers franchisés sont toujours bien gérés par des personnes qu’il a effectivement choisies.